Le Chant de la mutilation

Depuis son premier roman, La Maison des épreuves en 2016, le Canadien Jason Hrivnak s’est donné un objectif d’une bienveillance modérée: « Je veux extirper de tes pires cauchemars quelque chose qui y est tapi et ne pourra plus jamais y être renfermé. » C’est sur ce même ton assez peu cajolant pour le lecteur, mais ô combien lumineux dans sa poisseuse noirceur, que s’exprime ici Dinn, aka « Diesel Ire Nuée Nuée »: démon de rang supérieur, expert en torture mentale et ventriloquie perverse qui maltraite sans relâche l’âme dérangée qui l’accueille – celle d’un étudiant en phase avancée de marginalisation, de désocialisation, de démence caractérisée. Le qualifiant de « petit d’homme » comme le ferait un Baloo cauchemardesque, il suscite en son esprit images abjectes, visions maléfiques et infâmes considérations, bien décidé à briser une fois pour toute sa volonté, à tronçonner à la scie rouillée tous les liens qui le rattachent encore à l’espèce humaine. Ceci, dans l’espoir de l’élever à terme au rang de maître incube, mauvais génie, serviteur dévoué du Malin. Une charge dérangeante, délirante, étouffante contre la famille, l’illusion d’un foyer protecteur, la supposée solidarité humaine, dont il faudrait pourtant être bien mal luné pour ne pas applaudir la maîtrise et la puissance.

de Jason Hrivnak, ÉDITIONS de L’Ogre, traduit de l’anglais (Canada) par Claro, 264 pages.

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