Le cas Yoko

À 89 ans, Yoko Ono a droit à un nouvel hommage. Quatorze reprises par la scène indie US pour remettre en lumière une discographie aussi riche qu’anguleuse.

C’est l’une des séquences les plus cocasses de Get Back, le documentaire XXL de Peter Jackson consacré aux derniers mois des Beatles. Alors que le groupe, au bord de la crise de nerfs, est enfermé en studio, lancé dans un contre-la-montre pour enregistrer un nouvel album en trois semaines, Yoko Ono est quasi de tous les plans, fusionnelle avec Lennon. De quoi faire ironiser McCartney:  » Ce sera comique quand, dans 50 ans, ils diront: ‘Ils ont splitté parce que Yoko était assise sur un ampli’. » Il ne faudra pas attendre aussi longtemps. En fait, déjà à l’époque, Ono est accusée de monter son mari contre ses camarades. Elle traînera cette réputation pendant longtemps. Avant de laisser la place à une autre: celle d’artiste expérimentale -ce qu’elle était déjà au moment de rencontrer son Beatle-, poussant des petits cris sauvages et hystériques. Dans les deux cas, la caricature est facile. Elle empêchera d’aller voir plus loin. Avec cette conséquence: Yoko a beau être l’une des personnalités les plus iconiques du rock, sa musique reste encore largement méconnue du grand public. D’où l’intérêt d’un nouvel hommage, baptisé Ocean Child: Songs of Yoko Ono. Mis en oeuvre par Ben Gibbard, le leader de Death Cab For Cutie, il rassemble quelques noms parmi les plus en vue de la scène indie américaine.

Le cas Yoko

Musiques inachevées

Dans une interview parue il y a quelques années dans le Guardian, Yoko Ono avait déjà expliqué à quel point elle aimait voir son travail réinterprété par d’autres ( » Les premiers albums que j’ai réalisés avec John, Two Virgins et Life with the Lions , étaient déjà sous-titrés Unfinished Music », comme pour souligner qu’ils restaient ouverts à d’autres interprétations). La voici donc au centre d’un tribute où se pressent notamment David Byrne, Yo La Tengo, The Flaming Lips, pour citer les plus connus d’un casting qui compte également des artistes plus « émergents », comme Jay Som, Sudan Archives, ou le duo r’n’b We Are King. C’est Sharon Van Etten qui ouvre le bal avec une reprise de Toyboat, tiré de l’album Season of Glass, paru six mois après l’assassinat de Lennon (sur la pochette, les lunettes emblématiques, tâchées de sang, avaient même fait polémique). L’interprétation de Van Etten reste fidèle, au point d’en devenir troublante. De la même manière, Jay Som se réapproprie Growing Pain, y ajoutant une sensibilité rêveuse touchante. Sans surprise, la plupart des artistes ont été piocher dans le songwriting le plus accessible d’Ono. Deerhoof est ainsi l’un des seuls (avec US Girls) à s’attaquer au côté plus rugueux de la chanteuse, en proposant une version grinçante de No, No, No. Dans tous les cas, même timide, l’hommage a le mérite de remettre en lumière une discographie trop souvent négligée. À la limite, en ne cherchant pas à reproduire leur bizarrerie originale, il donne d’autant plus envie de replonger dans les originaux. Ce qui, après tout, était bien le but de départ.

DIVERS

« Ocean Child: Songs of Yoko Ono »

Distribué par Atlantic.

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