LE JEUNE CINÉASTE EST À LA NOCE AVEC SON PREMIER LONG MÉTRAGE, UN ROAD-MOVIE TOURNÉ EN ARGENTINE DANS UNE AMBIANCE UN PEU PARTICULIÈRE

Même s’il a envisagé d’autres projets avant de tourner celui-ci (pour moins d’un million d’euros), Mariage à Mendoza relève bien de cet état de nécessité qu’accompagne très souvent la réalisation d’un premier long métrage. Edouard Deluc évoque ce qui fut une belle aventure pour lui et son équipe, avant de l’être pour le spectateur.

Comment est né ce film au ton très personnel?

Avant d’y avoir film, il y a eu chemin. Et le sentiment de nécessité d’aller au bout de ce chemin. Il y avait le choc esthétique de l’Argentine, le thème de la fraternité, qui me hante depuis longtemps vu mes relations avec mon grand frère. Et la rencontre avec Philippe Rebbot, le frère aîné du film, avec lequel j’ai d’abord fait un court métrage. Un acteur qui est devenu un ami, et qui a cinq ans de plus que moi… comme mon frère. Bref, plusieurs éléments se sont mêlés pour ancrer profondément en moi le désir d’entreprendre Mariage à Mendoza.

Un film tel que celui-là donne l’impression d’avoir été créé sur place, dans le vécu du moment, sans forcément suivre un scénario des plus précis. Impression ou réalité?

Toutes les séquences étaient dans le scénario. Il y en avait même beaucoup plus. Au moins 20 % du film a été coupé soit en pré-production (faute de moyens) soit au montage (parce que cela menait sur de mauvais rails, parce que ça donnait des informations inutiles). Mais bien sûr l’espace était ouvert en permanence, le scénario était à réinventer sur le plateau. A l’écriture, j’avais déjà fait très attention de ne pas cadenasser les choses. L’écriture d’un film, c’est balancer des petites graines, et c’est seulement au moment du tournage qu’elles germent ou pas…

Comment fait-on le casting d’une fratrie?

Déjà il y a le mythe du duo au cinéma, avec le grand et le petit, le gai luron et le dépressif. Ce sont des codes du duo à l’écran. L’élément de la fratrie, c’est ce qui irrigue l’ensemble. Je voulais au départ être très vraisemblable, qu’il y ait entre les frères une ressemblance physique. Mais au bout du compte, la magie du cinéma opère, on accepte qu’ils sont des frères parce que le récit le pose dès le début. Philippe (Rebbot) et Nicolas (Duvauchelle) ont eu très vite une relation superbe, qui a nourri le film. Sans qu’ils jouent au grand frère et au petit frère hors du plateau. Ils s’éclataient bien ensemble, c’est tout.

L’Argentine, c’est un coup de coeur?

Un vrai. J’avais un désir d’ailleurs. Pourquoi s’est-il cristallisé là-bas? A cause de la langue, de l’espace, de la lumière, d’une chaleur humaine que j’ai trouvée saisissante, de relations de fille à garçon, de garçon à garçon (et je ne parle pas ici de séduction) très différentes de ce qu’on peut vivre en France. A cause de l’ouverture, de l’absence d’a priori. A Paris, tout est codé, les portes ne s’ouvrent jamais qu’à-demi… Là-bas, non seulement les portes sont ouvertes, mais les maisons le sont aussi. Tout le monde s’embrasse sans arrêt, l’étranger est adopté très vite. En même temps, si on est loin, on n’est pas vraiment perdu, car beaucoup d’Italiens, d’Espagnols, ont émigré là-bas et fait souche… Je suis tombé amoureux du pays. Et je m’y sens libre.

Le ton du film est à la comédie, on y rit beaucoup, mais on sent aussi un fond de mélancolie. Les personnages ont à l’esprit les choses déjà ratées dans leur vie, et celles qu’ils ne veulent pas rater dans le futur…

A vrai dire, je n’étais pas vraiment conscient de ça. Mais c’est vrai qu’il y a, en filigrane, cette angoisse de l’échec, cette inquiétude et ces doutes (même relatifs au mariage) qui lestent un peu les personnages, les Français en tout cas.

Commencer par un road-movie en Argentine, c’est assez fort et peu banal pour un réalisateur français. Quelles envies avez-vous pour la suite?

J’espère retrouver cette nécessité qui a présidé à Mariage à Mendoza. La clé, c’est de retrouver de l’urgence, de savoir ce qu’on a encore à raconter, et quels sont les démons qui finalement nous meuvent, qui donnent un sens à ce que nous faisons derrière la caméra ou derrière un stylo… J’ai commencé à creuser un sillon de comédie aux accents tragi-comiques, une forme qui a l’air de bien me convenir. Si je pense en termes d’opportunité, il faudrait probablement que je le creuse encore. Mais quel que soit le sujet d’un film, il faut que je me sente concerné intimement, profondément, pour que tout ça ait du sens. Un film qui n’a pas de sens pour son auteur n’en aura pas non plus pour les spectateurs. Je ne crois qu’au cinéma sincère.

RENCONTRE LOUIS DANVERS

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