La Terre des femmes

© Getty Images

D’un même tenant passionné, autrice et vétérinaire de campagne -quand d’autres verraient dans cette double pratique l’alliance de la carpe et du lapin-, María Sánchez, 31 ans, a perpétué les vocations d’un père et d’un grand-père, eux aussi au plus près des animaux. Mais celle qui considérait l’apprentissage de la dissection à l’université comme sa  » chambre à soi« , désire surtout se pencher ici sur toutes ces paysannes à l’arrière-plan dans les albums de famille: les vaillantes, les silencieuses, celles qui n’oublient jamais de prendre des nouvelles du petit dernier. En rendant un vibrant hommage, aussi intime qu’ancré dans l’hier et l’aujourd’hui, à ces  » ces femmes aux genoux terreux incrustés de gravillons à force de ramasser des olives » rarement mises en valeur, l’autrice remet la possibilité des récits matrilinéaires au centre, et se fait porte-voix concerné d’un féminisme rural, souvent hélas impensé. C’est en contribuant à semer tangiblement des passerelles -symboliques et poétiques mais aussi bel et bien tangibles- d’un monde à l’autre, d’une lutte pour l’égalité et la reconnaissance à l’autre qu’elle fait oeuvre ô combien nécessaire. Il est en effet urgent de ne plus considérer les campagnes comme des territoires muséifiés et leurs habitants comme en voie d’extinction, de laisser celles et ceux dont on a souvent jugé qu’ils n’avaient  » ni le temps ni le souci de se raconter » réendosser pleinement leurs récits. Puisse-t-elle donc avoir ouvert le sillon pour bien d’autres textes aussi puissants que touchants.

La Terre des femmes

Récit De María Sánchez, éditions Rivages, traduit de l’espagnol par Delphine Valentin et Alexandra Carrasco-Rahal, 200 pages.

8

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content