LE DANDY ET CROONER FRANÇAIS BERTRAND BELIN S’EN EST ALLÉ ENREGISTRER SON 4E ALBUM, PARCS, À SHEFFIELD, DANS LA TANIÈRE DE RICHARD HAWLEY. LA GRANDE CLASSE.

Bruxelles. Gare du midi. Bertrand Belin débarque de Paris avec plus d’une heure de retard. L’avenir dure longtemps, autobiographie de Louis Althusser, sous le bras. « Cet intellectuel, philosophe marxiste décédé il y a 20 ans, a connu un grand drame dans sa vie, raconte-t-il. Il a assassiné sa femme. Dans un état de démence tel qu’il a été déclaré non responsable de ses actes. C’est une autobiographie qu’il a écrite après avoir un tant soit peu retrouvé ses esprits. Ce qui m’intéressait, c’était de savoir quelle forme, quel nerf littéraire il était nécessaire de convoquer pour décrire des faits aussi horribles que l’assassinat de sa propre épouse. »

On dévie sur Burroughs, qui a liquidé madame en se prenant pour Guillaume Tell, la poésie, Henry James dont il lit et relit L’Elève ou encore les bouquins qu’il s’engouffre sur l’archéologie. « Parce que ça m’intéresse ce qui est enfoui, ce qui revient à la surface. »

Né fils de pêcheurs le 7 décembre 1970 et élevé dans une famille nombreuse en Bretagne, près de Quiberon, Bertrand Belin est un mec lettré, un amoureux des mots, dont le cerveau semble fonctionner en permanence à plein régime. « Je viens d’un milieu assez peu cultivé et instruit, tellement peu tourné vers les livres et la lecture que je suis encore dans l’enfance en ce qui concerne mon rapport au livre: un lien transgressif et sensuel. A la fin de l’adolescence, je me suis rendu compte que les mots et leur pratique allaient être un outil d’extraction sociale. Qu’ils allaient me permettre de déjouer le parcours qui m’était tracé. »

S’il a été sauvé par la littérature, Bertrand Belin a aussi, surtout, trouvé son exutoire dans la musique. Cette musique grâce à laquelle, dit-il, il a compris qu’il pourrait traverser l’existence.

Successeur d’Hypernuit, disque de la consécration, Parcs est né à Sheffield. Au studio Yellow Arch. Une ancienne usine de boulons dans un faubourg industriel où a bossé tout ce que la ville compte de rockeurs. Des Arctic Monkeys à Jarvis Cocker en passant par Richard Hawley.

« J’ai une tendresse immédiate pour les gars comme lui qui arborent certains versants de la culture rock’n’roll des années 50 et 60 que j’ai beaucoup pratiquée adolescent et jeune adulte. J’ai commencé en faisant des covers d’Eddie Cochran, de Gene Vincent, de Buddy Holly, de Johnny Burnette. J’aime beaucoup les crooners aussi. Des Français tels que Jean Sablon jusqu’aux Américains et aux chanteuses comme Ella Fitzgerald qui, à leur manière, croonent un peu. J’ai entendu la voix d’Hawley en répète. On restait derrière la porte, on n’en croyait pas nos oreilles. C’était magnifique. Puis, on l’a croisé au pub d’à côté. On a bu quelques verres ensemble.  »

Let’s get physical

Si Belin s’en est allé bosser à Sheffield, c’est justement pour collaborer avec Mark « Shez » Sheridan. Un collaborateur et ami d’enfance du roi Richard. « Shez est anglais. Il a une autorisation de fait, inscrite dans son ADN, de pratiquer un certain genre de musique sans tomber dans la citation et l’imitation. Alors que nous autres en France, on a toujours l’impression de singer les grands frères, même si on le fait avec le plus de naturel possible. Il nous manque une légitimité. Certains font de la musique avec une certaine joie et une légèreté, un désir de divertir et ne vont pas se poser de problème d’éthique, de politique, d’esthétique. Ce qui est bien aussi mais n’est pas mon cas. Il y a pas mal de trucs que je ne m’autorise pas. Je ne suis pas trop adepte de la citation ou du mixage des formes. Mais puisque Shez a son passeport, je l’ai laissé agir en me lavant les mains. »

Belin a toujours baigné dans ces influences anglo-saxonnes. Elles ont façonné son univers. « Même si sur La Perdue et Bertrand Belin, il y avait des petites miniatures en provenance de ce que j’aime ressentir quand j’écoute les musiques orchestrales européennes, les grands compositeurs comme Debussy ou Ravel. »

Sur Parcs, plus pop, il y a du Baxter Dury (Un Déluge). Des guitares à la Television aussi. « J’adorais Richard Hell mais je ne peux pas aller plus avant vers ce type de rock. D’abord, je chante en français. Ce qui pose certains soucis de musicalité. Puis, je suis un crooner qui murmure, je n’ai pas ce genre de voix à même de percer un mix. Ce que j’ai à dire ne supporte pas d’être dit fort. Et en même temps, ne pouvant chanter très fort, je dois faire une musique qui laisse entendre ce que j’ai à dire. J’aimerais tellement être un Richard Hell ou, dans un registre plus lyrique, un David Byrne. »

L’idée de Belin était de convoquer la musique sur le plan physique. A travers des tempos, la puissance du rythme. « J’ai un peu plus visité le combo pop classique. Batterie, basse, guitare. J’ai aussi eu envie de réinjecter ce que j’ai toujours aimé. Buddy Holly par exemple est un super auteur de chansons. C’est un mec assez peu physique si on le compare à Jerry Lee Lewis par exemple. Néanmoins, il a une sensualité très belle dans le rythme, la pulsation, la verticalité. En opposition à l’horizontalité, au mid tempo qui caractérisent généralement mes disques.  »

Dans ses chansons, Belin parle de ruines, de déluge, de disparition… Pour un oui pour un non est consacré à l’ADN de la guerre. « A la bêtise. A la violence consubstantielle de l’homme. Dans tous mes disques, il y en a une. J’ai toujours eu cette obsession pour les soldats. C’est très bizarre, très ambivalent. Quand tu penses à Guillaume Apollinaire, à tous ces mecs qui sont partis faire la guerre d’Espagne, ces intellectuels, ces poètes qui voyaient dans les armes une réponse à leur soif de justice beaucoup plus rentable que leur oeuvre littéraire. »

LIRE L’INTERVIEW DANS SON INTÉGRALITÉ SUR WWW.FOCUSVIF.BE

PARCS, DISTRIBUÉ PAR PIAS. (****)

LE 17/11 À LA LOUVIÈRE (FESTIVAL SI ÇA VOUS HANTE).

RENCONTRE JULIEN BROQUET

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