Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

JAN DIBBETS MET EN SCÈNE UNE RÉFLEXION INÉDITE SUR LA PHOTO AU MAM DE PARIS. RENVERSEMENT DE PERSPECTIVE: ET SI CE MÉDIUM N’EN ÉTAIT QU’AU DÉBUT DE SON HISTOIRE?

La Boîte de Pandore

EXPOSITION COLLECTIVE, MUSÉE D’ART MODERNE DE LA VILLE DE PARIS, 11, AVENUE DU PRÉSIDENT WILSON, À 75 116 PARIS. JUSQU’AU 17/07.

9

Les situations paradoxales devraient toujours nous faire réfléchir. En la matière, la photographie constitue un exemple de choix. D’un côté, cette pratique est omniprésente. On ne compte plus les grand-messes qui lui sont consacrées. A Paris, en ce moment, Seydou Keïta s’affiche au Grand Palais, Daido Moriyama squatte la Fondation Cartier, tandis que Nobuyoshi Araki a ficelé une remarquable exposition au Musée Guimet. Bruxelles, quant à elle, s’apprête à faire place à la biennale Summer of Photography. Prolifération. Parallèlement à ces événements en forme de couronnes de laurier tressées à la gloire photographique, il n’est pas un jour sans que résonne un requiem à son attention. Au vu de l’épidémie numérique des images, nombreux sont les observateurs qui considèrent que ce médium a entonné son chant du cygne. Ce n’est pas du tout l’avis de l’artiste conceptuel néerlandais Jan Dibbets qui s’est emparé du MAM de Paris pour étayer son propos. Morte, la photographie? Pas du tout. Pour ce fringuant plasticien de 75 ans, c’est à peine si elle est née. Il est parvenu à cette conclusion en opérant un grand renversement: plutôt que se pencher sur l’histoire de la chose photographique, Dibbets a envisagé la question « au regard de ce qui n’est pas encore là« . Telle est la perspective d’un art qui n’a que 200 ans, là où la peinture, par exemple, affiche 40 000 années au compteur.

Grand nettoyage

Invitant autant à penser qu’à voir, l’exposition balaie d’un revers de la main une vision « moyenne » de la photographie, celle qui consiste à l’envisager à la fois comme art et comme réalité. On le sait, cette caution « réaliste » lui assure une large popularité. La Boîte de Pandore opère un grand nettoyage en ce que l’accrochage vaut aussi par ce qu’il évacue. Pour Dibbets, les indésirables sont les suivants: la photographie documentaire, les images choc de la presse ou encore la photographie abstraite des années 30. Le message? La photographie ne vaut pas par son contenu. Elle est également frappée de nullité quand elle s’attache à reprendre des agencements consacrés par d’autres disciplines. Mais quelle est alors « l’autre photographie » évoquée par cet artiste à qui l’on doit les vitraux de la cathédrale de Blois? La photographie n’est jamais aussi intéressante que lorsqu’elle développe le programme esthétique qu’elle contient en elle -ainsi du concept de série. Pour illustrer ce propos, Dibbets convoque la photographie scientifique des XIXe et XXe siècles. Comme les chronophotographies d’Eadweard Muybridge, fascinante entreprise pour saisir le mouvement, ou des images de la Nasa qui, dans le contexte de l’exposition, prennent des allures conceptuelles. Plus avant, il invite également à tirer toutes les conséquences du caractère reproductible de la photographie, rejoignant ainsi les préoccupations d’artistes appropriationnistes comme Sherrie Levine. Sans oublier les récentes brèches ouvertes par un Thomas Ruff, qui a imaginé un nouveau genre d’images technologiques, ou Wade Guyton qui renouvelle la peinture en imprimant des toiles à partir de fichiers numériques. Et ce n’est qu’un début…

WWW.MAM.PARIS.FR

MICHEL VERLINDEN

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content