Des films de Chris Marker, La Jetée, le court métrage de fiction qu’il réalisa en 1962, est assurément le plus connu. Peut-être parce que s’il cite limpidement le Vertigo d’Alfred Hitchcock, cet extraordinaire photo-roman, l’un des plus grands films de science-fiction jamais tournés, a aussi été l’objet d’un hommage appuyé dans 12 Monkeys de Terry Gilliam, non sans inspirer un David Bowie, manière de l’inscrire un peu plus dans la postérité. L’histoire se déroule après la troisième guerre mondiale, lorsque, à la suite de la destruction de Paris, les survivants se terrent dans les souterrains de Chaillot. Leurs tortionnaires (dont Jacques Ledoux, à l’époque conservateur de la Cinémathèque royale de Belgique) les utilisent comme cobayes pour des voyages dans le temps, seul l’avenir et le passé pouvant sauver une humanité condamnée. Parmi les prisonniers, un individu obsédé par une image du passé, celle d’une femme regardant mourir un homme sur la jetée d’Orly, qu’il va se mettre en quête de retrouver… OEuvre politique -elle a été réalisée en pleine guerre froide et est hantée par le danger atomique-, La Jetée reste un stupéfiant voyage mental. Explorateur du temps arpentant un monde figé dans la fixité des images, Marker signe un film dégageant une profonde émotion en même temps qu’une poésie spectrale soulignée par l’intervention d’un récitant (Jean Narboni). Soit un chef-d’oeuvre dont la fulgurante beauté rejaillit à chaque vision, comme l’on peut le vérifier lors de l’exposition où ce ciné-roman est judicieusement montré intégralement.

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