La Fille du capitaine Fracasse

À 43 ans, Madame C décide d’en finir. Les cahiers qu’elle a confiés à son psychiatre retracent sa vie de famille. Dans la Grande Ville de banlieue « bien », le père rentre à sept heures et demie. Le repas est préparé. Ils lisent Le Monde. Lui, les mots croisés, son épouse, les pages Culture. Ingénieur chez Moulinex, c’est un catholique intégriste qui aime « châtier bien ». Il frappe fort pour transmettre des valeurs fortes. Non, vraiment, il n’a pas eu de chance avec sa fille aînée: adolescente insolente, elle s’est mise à fréquenter des gosses-de-riches, mais bon c’est chacun sa croix, que voulez-vous. « Petite, elle obéissait. Elle se tenait « gardav ». Elle était dressée comme il fallait. On l’entendait pas trop. Elle la ramenait pas trop. C’était la belle époque. » La mère, neurasthénique, mariée à un homme qu’elle n’aime pas, laisse, sans rien dire, s’exécuter la tâche du pater familias. Feuilletant ses lettres, son petit opium de l’après-midi, son esprit flotte en son jardin secret, se laisse aller à des pensées incestueuses pour sa chose, sa compagne. « C’est dans ta tête ma chérie. (…) Je t’aimais juste beaucoup. Je voulais que tu restes une petite fille, une petite poupée. » Après la polygamie et le mariage mixte ( Deuxième femme), la documentariste Caroline Pochon continue à explorer l’intimité familiale. Dans un texte fort, elle dit la dépression, l’ordinaire des abus au sein d’une structure malade. Dans la muselière de la voix du père, dans les « abus de soins » d’une marâtre trop aimante, dans une langue au réalisme cru, la gifle -à ne pas mettre entre toutes les mains- claque comme un fouet de négrier. « Ça va, ma puce? »

De Caroline Pochon, éditions Buchet-Chastel, 256 pages.

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