DE FEDERICO FELLINI. AVEC MARCELLO MASTROIANNI, ANITA EKBERG, ANOUK AIMÉE. 2 H 52. 1960.

Quinze ans ont passé depuis la chute de Mussolini, la fin du régime fasciste et du second conflit mondial. Bien des espoirs étaient nés de l’immédiat après-guerre, portés en partie par le courant néoréaliste, certes critique socialement mais aussi porteur des espoirs d’un peuple aspirant au mieux vivre. Federico Fellini n’a jamais été de cette vague chevillée au réel et nourrie d’idéaux généreux. C’est l’imaginaire, surtout, qui inspire depuis ses débuts celui dont la figure et le génie vont dominer tout un versant du cinéma italien des années 50 aux années 70. Mais même si elle évoque l’univers privilégié de la jet-set, des stars de cinéma et de leur entourage, sa Dolce Vita n’en exprime pas moins un désenchantement ressenti par de nombreux artistes et intellectuels observant la société dans son ensemble. Les illusions nées d’une défaite aux allures de libération se sont trop vite évanouies. Et l’espérance n’a plus guère de place dans le spectacle maîtrisé, baroque, mis en scène de si fascinante manière par un Fellini désabusé. Un Fellini qui détachera ensuite de plus en plus clairement son £uvre de la réalité, pour l’emmener vers les rives d’un passé fantasmé, d’une nostalgie poignante et d’une poésie nourrie d’images imprimées par l’enfance.

Nous mettons nos pas dans ceux de Marcello Rubini, séduisant journaliste promenant une curiosité professionnelle teintée d’un feint détachement dans les allées de la noblesse romaine et des vedettes du 7e art. Il aurait pu être un de ces Vitelloni quittant leur province dans le troisième long métrage de Fellini ( La Dolce Vita est le septième). Marcello Mastroianni campe idéalement ce plumitif de charme, flanqué souvent d’un complice photographe, lequel est passé maître dans l’art de « voler » des images de ceux qu’on n’appelait pas encore des « people ». Un as du cliché dérobé répondant au nom de Paparazzo, et dont le personnage allait désormais baptiser toute une profession redoutée des célébrités… Marcello semble avoir bien compris la vanité d’un cirque promotionnel emportant jusqu’à la religion, et dont il se nourrit lui-même avec un mélange ambigu de gourmandise utile et de dégoût profond. Il sait, en tout cas, la vanité du remue-ménage que fric et notoriété, naissance et décadence, art et faux-semblant, provoquent (la nuit, surtout) dans une Rome que toute cette agitation n’empêche pas de dormir pendant que les riches et célèbres veillent en s’amusant, en s’ennuyant aussi, à vouloir en mourir parfois. Et quand tout ce beau monde se retrouve, au petit matin, sur une plage où s’offre au regard un poisson énorme, improbable, une dimension mythique envahit les images et invite au constat: la fête pourra bien reprendre, quelques heures plus tard, mais le c£ur n’y sera plus. Si tant est qu’il y ait jamais été…

L.D.

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