La croisière s’enfonce

L’année BD sera anxiogène: elle démarre avec Virus, qui enferme un virus mortel dans un bateau de croisière rempli de noceurs.

Mouvements pré-insurrectionnels, régimes dictatoriaux, montée du fascisme, réchauffement climatique, catastrophes naturelles, crises économique et démocratique, tensions internationales… On le sait déjà, 2019 ne s’annonce pas très rigolote. Or, si les raisons de s’angoisser ne manquent pas dans l’actualité, l’une des premières (bonnes) BD de l’année nous rappelle que la Grande Catastrophe pourrait bien venir d’un mal dont on ne parle plus depuis les dernières épidémies d’Ebola ou du virus H5N1:  » L’homme est aujourd’hui en mesure de créer de toutes pièces des agents pathogènes d’une violence difficilement imaginable, capables sans doute de décimer des pays entiers« , comme le souligne un expert au cours de la réunion de crise imaginée dans Virus. Or un virus du genre, génétiquement modifié, hautement mortel, hautement transmissible et sans antidote connu, vient de sortir d’un laboratoire gouvernemental secret: il est porté par un jeune con d’assistant qui s’en va faire une techno party d’enfer sur un paquebot immense, au large de la Méditerranée. Un mini-monde rempli de fêtards et de queutards, parfait pour assurer une propagation rapide et spectaculaire d’un virus mortel.

La croisière s'enfonce

Biologie et expressivité

Si le thème du virus mortel est récurrent dans les produits culturels -on pense, pour les plus récents, au film Contagion de Steven Soderbergh ou à de nombreux et souvent oubliables romans-, il était jusqu’ici plus rare en BD. Il aura fallu un scénariste qui fut aussi ingénieur biologiste moléculaire, en l’occurrence le français Sylvain Ricard, pour lui fournir enfin un écrin à sa glaçante mesure. Un écrin réalisé tout en dégradé de gris et paré de quelques bonnes idées. D’abord placer le virus et sa propagation dans l’univers clos mais énorme d’un paquebot de croisière justement baptisé Babylon of the seas -posant dès lors la bonne question de savoir que faire de la population qui s’y trouve: lui venir en aide, ou la laisser crever pour épargner les autres? Ensuite confier la mise en dessin de l’ensemble au Bordelais Rica, auteur très rock et très moderne, déjà auteur de deux albums chez Drugstore ( Minus et E dans l’eau). Il affine un peu plus son trait, net et précis, mais ne perd rien de l’expressivité parfois outrancière qu’il donne à ses personnages. Des personnages qui, entre angoisse intense et maladie foudroyante, ne manquent effectivement pas de langages corporels sur lesquels il peut graphiquement s’éclater.

Virus (1/3) – Incubation

De Sylvain Ricard et Rica, éditions Delcourt. 136 pages.

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