La claque

Antoine Maillard frappe fort dès son premier album. Son hommage aux teenage horror movies est une merveille d’angoisse et de nuances de gris.

Comme dans tout bon slasher qui se respecte, tout commence par le meurtre brutal d’une adolescente dans une petite ville américaine, commis par un apparent serial killer psychopathe, non identifiable mais immédiatement reconnaissable -et celui imaginé par Antoine Maillard possède un sacré coup de batte. Un double meurtre en l’occurrence, qui va jeter un froid et le trouble dans la communauté d’adolescents de cette petite cité balnéaire, évidemment moins idyllique que nous l’avait vendu le rêve américain.  » À la télé, les gens riches habitent toujours une villa au bord de la mer… Moi j’ai toujours trouvé ça glauque, toute cette eau à perte de vue… L’horizon a l’air tellement loin… C’est comme être entouré par le vide« . Au bord de ce vide vivent des ados pas très à l’aise dans leurs baskets, entre mal-être, petits trafics, mère alcoolo ou possessive, pilules de GHB et fêtes de fin d’année plombées. L’arrivée du Batteur fou fera définitivement et violemment basculer Dan, Pola, Ralf et Laurie dans un âge adulte pas très riant non plus. Avec, pour l’un d’entre eux, la révélation soudaine d’un goût certain pour les animaux morts et les objets tranchants et contondants…

La claque

Mal-être et crayon gris

C’est un sacré home run sanglant que le jeune Toulousain Antoine Maillard balance dans le petit monde de la BD avec cette Entaille en guise de baptême. Difficile en effet de rester insensible devant la maîtrise et la force de ce premier ouvrage où la tension ne va que crescendo et où l’usage unique du crayon gris installe une atmosphère étrange et un sentiment d’irréalité proche du rêve éveillé. Le trait se prête autant aux moments introspectifs qu’aux séquences de (grande) tension. Un récit hypnotisant et poisseux qui se situe quelque part entre Bastien Vivès (pour la fusion des genres et références), Charles Burns (pour l’exploration du mal-être adolescent) et Mon ami Dahmer (la true fiction de Derf Backderf sur son ami de jeunesse, futur serial killer), sans oublier le peintre Edward Hopper ou le photographe Gregory Crewdson pour les compositions et ambiances de cette petite ville US où le mal se terre, prêt à sauter. Si Antoine Maillard signe ici sa première BD publiée, l’auteur s’était déjà fait connaître et reconnaître en tant qu’illustrateur, tant en France qu’aux États-Unis, et a multiplié depuis quelques années les récits graphiques volontiers expérimentaux et en ligne, comme on peut en lire sur la formidable plateforme Grandpapier (www.grandpapier.org). L’Entaille y est d’ailleurs née il y a bientôt trois ans. Elle va désormais pouvoir tout déchirer.

L’Entaille

D’Antoine Maillard, éditions Cornélius, 152 pages.

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