Un Belge adapte un classique de la BD japonaise?! Rien que de très normal, pourtant, au pays du Neuvième Art, habitué depuis longtemps à jeter des ponts entre les cultures.

Bande dessinée franco-belge, comics, mangas. Pour beaucoup, à première vue, ces 3 planètes de la BD n’ont pas grand-chose, voire rien, en commun. A chacun ses codes, ses stars, ses références et son sillon. Sauf qu’à y regarder d’un peu plus près cette fois, on se rend compte que les ponts ne datent pas de Garbarski. De nombreux auteurs franco-belges sont allés puiser leur art autre part qu’à leurs pieds, s’imposant même sur d’autres terres.

Commençons par « notre » fameuse école de Marcinelle, qui a façonné toute la BD franco-belge de l’après-guerre et qui fait office de patrimoine national. Il ne faudrait pas oublier que la bande des 4 -Franquin, Morris, Will et Jijé- revendiquait haut et fort l’influence des cartoons américains. C’est là qu’ils ont puisé leur expression du mouvement en dessin, qui fera date et école. Depuis, malgré des marchés et des us très différents, les ponts n’ont jamais cessé d’exister. On pense évidemment au génie Moebius qui s’en alla dessiner dans les studios Marvel des épisodes du Surfeur d’Argent, influence brandie depuis par des pointures comme Mignola. Moebius, encore, qui a déposé sa patte graphique sur la plupart des blockbusters hollywoodiens – Alien, Tron, Willow, Abyss. Plus proche de nous, même la sacro-sainte Ligne Claire ne nous appartient plus. On a largement évoqué ici le sort qu’un Charles Burns fait subir à l’école de Hergé dans son dernier opus, Toxic. Ceci dit, les ponts ne sont pas en sens unique: un des derniers cartons sur le marché américain? Les traductions du XIII de Vance et Van Hamme. L’album Toutes les larmes de l’enfer (épisode très Prison Break) vient d’y être traduit, et les critiques adorent…

Reste l’univers des mangas, a priori aux antipodes de notre bonne vieille BD.

Certes, le fossé est resté béant durant des décennies, même si Tezuka le demi-dieu de la bd japonaise citait régulièrement Hergé dans ses influences majeures. Mais la roue du temps et des générations a fait son travail d’hybridation. Le scénariste français Jean-David Morvan fut ainsi un des premiers à comprendre, et à assimiler, les codes japonais.

Au début des années 90, alors que Akira débarquait en français dans les mains des gamins, il se lançait lui dans Nomad, avec Sylvain Savoia et Philippe Buchet, explosant les codes de la BD franco-belge.

Suivront Sillage, quelques albums de Spirou avec Munuera sous forte influence, et une reconnaissance jusqu’à la source: Morvan travaille régulièrement avec des mangakas, et publie au Japon. On peut citer ses Sept Yakuzas, avec Takahashi Hikaru.

Aujourd’hui, les écoles d’arts et de dessin en Belgique débordent de jeunes garçons et souvent de jeunes filles nourris aux mangas, multipliant grands yeux, lignes de vitesse et cadres décalés, tout en apprenant la narration séquentielle narrative telle que nos pères l’ont définie… L’hybridation des genres ne fait que commencer. l

O.V.V.

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