Un cinéaste qui arrose son premier long métrage du Love de Arthur Lee ( Seven & Seven Is, Alone Again Or), relevé d’un soupçon de René Touzet, ne peut qu’avoir le goût musical très sûr. Un constat étayé tout au long de la filmographie du sieur Anderson, qui qualifie lui-même de « mélange bizarre », cette bande-son idéale point étrangère au charme irrésistible de son cinéma. S’il confie les scores de ses premiers films à Mark Mothersbaugh, l’ancien leader de Devo, le réalisateur y joint aussi une sélection musicale du meilleur cru, où l’élégance dandy de la pop sixties le dispute à l’incandescence punk, où le folk hanté côtoie la mélancolie urbaine, parmi d’autres colorations. Ce qui vaut à l’auditeur-spectateur des films de Wes Anderson d’apprécier, dans le désordre, et sans souci aucun d’exhaustivité, les Kinks de Nothin’ in the World Can Stop Me Worryin’ ‘Bout That Girl et les Ramones de Judy Is a Punk; le Velvet de Stephanie Says et les Stooges de Search and Destroy; les Creation de Making Time et le Scott Walker de 30 Century Man; et on en passe, comme le Staralfur de Sigur Ros, le Fly de Nick Drake, le I Am Waiting des Stones, le Gut Feeling du Devo susmentionné, ou une pleine volée de chansons de Bowie interprétées en portugais par Seu Jorge pour rythmer The Life Aquatic with Steve Zissou.

Un soupçon de french touch

Le concept musical n’est guère moins surprenant pour The Darjeeling Limited où, histoire d’installer l’atmosphère indienne du film, et en guise, pourquoi pas, de clin d’£il cinéphile, le cinéaste habille l’histoire de compositions empruntées aux oeuvres de Merchant/Ivory et, surtout, de Satyajit Ray (de la trilogie d’Apu à Charulata). « Ce n’est pas pour autant quelque chose de préconçu, observe Anderson. Ce genre d’idée s’impose en cours d’écriture et de réalisation, pour se fondre dans le film. » S’y ajoute, dans le cas présent, une narration bouclée par chanson interposée. Entendus à l’heure de reprendre le train et de laisser défiler le générique de fin, Les Champs-Elysées de Joe Dassin renvoient du côté de Hotel Chevalier, prologue parisien au long métrage, baignant pour sa part dans le Where do you go to my lovely de Peter Sarstedt et son Boulevard Saint-Michel omniprésent…

Outre divers emprunts à Georges Delerue, la French Touch de Fantastic Mr. Fox est apportée, plus spécifiquement, par Alexandre Desplat, qui signe ici un score en délicat décalage on ne peut mieux approprié. Ce qui n’empêche pas le cinéaste de disséminer quelques perles de sa discothèque tout au long du conte, du Heroes and Villains des Beach Boys à diverses contributions d’Art Tatum et Burl Ives, pour ponctuer l’aventure au son décoiffant du Let Her Dance du Bobby Fuller Four. Non sans avoir aussi convié Jarvis Cocker (en voix et en marionnette) et Jacques Dutronc (en clin d’£il) à la fête. Ce en quoi l’on verra indubitablement une expression du dandysme musical…

J.F. PL.

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