L’ACTEUR LE PLUS PASSIONNANT DE SA GÉNÉRATION SIGNE UNE NOUVELLE PRESTATION DE CHOIX EN MÉDECIN DÉVOUÉ, PLACÉ DEVANT UN CHOIX CORNÉLIEN DANS LA BOULEVERSANTE PERMISSION DE MINUIT.

RENCONTRE LOUIS DANVERS

Il n’aime pas trop, au fond, l’exercice de l’interview. Parce qu’il préfère ne pas expliquer les films où il joue, les personnages qu’il y interprète. Pourtant, Vincent Lindon donne des entretiens remarquables, pour peu qu’on soit à l’écoute de ses confidences, de ses coups de gueule, de ses élans d’émotion et de lucidité. Venu à Bruxelles présenter le film admirable de Delphine Gleize, La Permission de minuit, l’acteur a trouvé les mots justes…

Une fois de plus, vous abordez votre personnage de cette manière vitale, organique, qui fait oublier instantanément qu’on regarde Vincent Lindon.

Il y a tous les gestes du métier (ici un médecin, un juge dans Toutes nos envies de Philippe Lioret, que je viens de tourner) qui sont très importants. Il faut que ces gestes soient forts, pour qu’on ne voie pas que c’est moi. J’ai voulu bouger comme un professeur, un docteur, avoir tout bien réglé. C’est le travail. C’est très concret. Au plus j’avance, au moins je réfléchis, au moins je sais pourquoi je fais les choses. Pour quelles raisons le personnage m’a-t-il plu? Pour quels motifs le scénario m’a-t-il emballé? Je ne me pose pas la question. Je sais qu’en lisant, j’ai eu envie d’être ce type, et de vivre cette histoire. Je suis en fait très animal, organique. Je fais les choses, et je sens que c’est bon. Il y a sans doute un processus d’intellectualisation, mais il se déroule en moi de manière inconsciente…

Comme quand on se met à écrire et que tout coule d’un jet, parce que le travail dans la tête s’est fait avant, sans qu’on y pense consciemment?

Exactement! Je joue le rôle, comme une évidence. J’ai déjà fait le travail avant qu’on dise « moteur ». Il ne me reste qu’à être, incarner! Je viens de finir un scénario d’un film que je ne vais pas faire, parce qu’entre autres, je ne parvenais pas un instant à voir comment le personnage était habillé. La réalisatrice m’a dit que ce n’était pas grave, qu’on verrait ça plus tard avec la costumière. Je lui ai dit  » Tu n’as pas compris! La costumière, elle va m’habiller, moi. Pas le personnage! S’il ne l’est pas déjà à la lecture, c’est qu’il n’est pas là! Comment il est habillé, ça veut tout dire! »

Après Welcome, La Permission de minuit: des films sur de vrais sujets de société, sur le thème de la responsa-bilité…

C’est le thème le plus crucial pour chacun de nous, dans nos vies.

Avec votre pouvoir d’identification, votre popularité, pourriez-vous devenir un peu ce que Montand fut dans les années 70 dans les films de Costa-Gavras, c’est-à-dire un révélateur, un acteur qui aide à la prise de conscience de spectateurs sur des sujets sociaux, politiques?

Que vous parliez de Montand me fait un immense plaisir. J’adorais Montand! Et je pense, comme lui pensait, que le cinéma peut et doit « se mouiller », dire des choses, être dans le monde et la société. Je me sens à ma place, là-dedans. Même si plein de collègues se font beaucoup plus d’argent que moi en privilégiant des choix moins profonds. Je les envie parfois, pour cette manière qu’ils ont de se simplifier la vie. Moi je me coupe les cheveux en 4, je suis plus exigeant. Il m’arrive même parfois d’être donneur de leçons. Je suis intransigeant, je n’excuse pas assez les autres. J’ai des amis, comédiens comme moi, qui me disent de temps en temps  » Vincent, tu nous fais chier! » Mais je suis ainsi. Ils me disent  » Détends-toi…  » J’essaie, mais je ne peux pas! Si je refais des comédies -et j’en referai!-, ce ne sera pas en me disant que je vais me détendre et me faire de l’argent. Il faudra que les comédies en question répondent, elles aussi, à ce que je recherche, qualitativement… Jamais vous ne me verrez sur l’écran avec ce regard qui dit  » Je fais ça, mais je n’en pense pas moins« . Ce n’est pas que je ne veuille pas. Je ne peux pas. C’est physique.

Les films qu’on vous propose répondent-ils souvent à cette exigence?

Très rarement! Je vois venir des choses hallucinantes! Je lis des trucs et je me demande comment il est possible que la réalisatrice ou le réalisateur me voie comme ça! Je me dis qu’ils ont dû être absents de France pendant 15 ans, pour ne pas voir comment j’ai évolué, ce que je suis maintenant… Et ce n’est pas une question d’image. Un acteur et sa vie, ça se mélange! Je ne comprends pas qu’on puisse se dire cinéaste et ne pas savoir cela. l

15X2 PLACES POUR LE FILM À GAGNER RENDEZ-VOUS SUR WWW.FOCUSVIF.BE, RUBRIQUE FACTORY

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content