L’Incivilité des fantômes

Flottant dans l’espace depuis des temps immémoriaux, le Matilda est un navire dirigé d’une main de fer et de façon arbitraire par le Souverain et ses gardes, et hiérarchisé depuis les Hauts Ponts jusqu’aux Bas Ponts. Les ponts Q, R, S et T sont réservés aux Goudrons, asservis. Parmi eux, Aster Grey, guérisseuse introvertie et farouche, est en quête de réponses sur le suicide de sa mère, Lune Grey. Alliée à Giselle, à la capacité de réflexion singulière, et à Theo Smith, le chirurgien, à qui elle est intimement liée, elle s’efforcera de découvrir un moyen de s’extraire de leur embarcation-prison. Dans ce roman férocement et nécessairement queer, Rivers Solomon fait bouillonner une réflexion riche sur la puissance de la parole. Les histoires qui y sont racontées font rayonner des héroïnes puissantes comme « l’impératrice de la nuit ». Des secrets que dissimule Lune dans son journal sous un jargon technique au créole d’usage en passant par la tendance d’Aster à comprendre certaines phrases au pied de la lettre (un biais probablement autistique), Solomon se joue des registres pour mieux affirmer la portée insurrectionnelle des mots. Ces esquifs peuvent se jouer des récifs quand les corps, eux, sont parfois en manque d’amour, assignés à quai, brutalisés, cadenassés dans le mauvais genre. Puisse cette dystopie passe-ponts et aventureuse, toujours sur la juste frange de l’émotion, donner l’audace à d’autres voix d’ouvrir plus grand le champ des représentations…

De Rivers Solomon, éditions Aux forges de Vulcain, traduit de l’anglais (États-Unis) par Francis Guévremont, 400 pages.

8

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