Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

LES TOILES EXPLOSIVES DE KOOL KOOR, PIONNIER DU GRAFFITI NEW-YORKAIS INSTALLÉ À BRUXELLES, SONT COMME DES FENÊTRES OUVERTES SUR UN AUTRE MONDE.

Tribal Movements

KOOL KOOR, GALERIE MARTINE EHMER, 200, RUE HAUTE, À 1050 BRUXELLES. JUSQU’AU 04/10.

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La dernière fois que l’on a eu l’occasion de voir le travail de Chuck Koor Hargrove -aka Kool Koor-, c’était à Paris. Plus précisément lors de l’exposition Dali fait le mur qui se penchait sur la descendance urbaine contemporaine du grand Mystique corpusculaire à moustache. Aux côtés de Speedy Graphito, Jérôme Mesnager ou Codex Urbanus, l’artiste né à New York -cela fait quelques années qu’il est installé à Bruxelles- livrait toute l’ampleur chromatique de son travail. C’est donc avec plaisir qu’on le retrouve à la faveur d’un solo show bruxellois. Venu du nord de la ville qui ne dort jamais, comme le précise son T-shirt « Made in the Bronx », Koor a connu les « golden years » du graffiti dans la mesure où il est né à la rue en 1976, à l’âge précoce de treize ans. Trois ans plus tard, le graffeur avait les honneurs d’une exposition. A l’origine de son art est le tag, discipline qu’il a peaufinée de nombreuses années, préférant depuis toujours la lettre au mot. C’est la lettre qui a forgé son geste ample et son sens de la courbe. Début des années 80, Kool Koor s’est mis à imaginer des villes futuristes (Megastructures) et des robots (Symbolians) qui lui ont permis de passer à la vitesse supérieure. C’est surtout ses périmètres urbains qui ont marqué les imaginations, vastes délires graphiques composés de « centaines de structures entrelacées, protégées par des dômes géodésiques« .

Transformation

Depuis les années 2000, l’oeuvre de Koor se transforme, traversée qu’elle est par des fulgurances, des explosions éjaculatoires mais également de puissantes marées serpentines. Avec Tribal Movements, la galerie Martine Ehmer accueille une dizaine de toiles qui en témoignent: beaucoup de grands formats et quelques oeuvres sur papier. Le tout évoque tout à la fois ses racines -la tribu « Baga » en Guinée, connue pour ses créations polychromes- mais également le souffle cosmique qui traverse sa démarche. « Mes oeuvres sont comme des fenêtres qui offrent un petit aperçu d’une autre réalité« , confesse l’artiste. Pour expliquer son travail, Kool Koor, qui a désormais 51 ans, convoque Duke Ellington: « Tout comme lui, j’absorbe tout ce qui m’entoure. Lorsqu’il était dans son appartement de Sugar Hill, il avait coutume de dire que telle ligne de basse lui avait été soufflée par un voisin râleur, tandis que les cuivres provenaient par exemple des cris des gamins en bas de la rue. Moi, c’est pareil, les lignes abstraites et les paysages cosmiques de mon travail sont des retranscriptions de ce que la nature produit sur moi. » Côté technique, Koor a jeté les bombes aérosols au profit de grandes brosses qui constituent la trame des toiles labyrinthiques qu’il travaille à plat. Il y a quelque chose d’à la fois hypnotique, abyssal et incroyablement dynamique dans ses grands formats. Une puissante impression de mouvement se dégage: elle est renforcée par l’utilisation de peintures spécifiques qui réfléchissent la lumière différemment en fonction de l’endroit où l’on se trouve et du moment de la journée. Une belle façon de rappeler que rien ici-bas n’est jamais figé.

WWW.MARTINEEHMER.COM

MICHEL VERLINDEN

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