L’Hôtel aux barreaux gris

« C’est tout un art, en prison, de feindre le sommeil, surtout quand arrive quelqu’un de nouveau. » Il en va de même en littérature. En 2004, sous l’emprise de la drogue, Curtis Dawkins tue un homme au cours d’un braquage improvisé. Condamné à perpétuité, il entraîne le lecteur à sa suite, derrière les barreaux gris de la prison de Kalamazoo, dans le Michigan. L' »hôtel » est surpeuplé, les chambres ne désemplissent pas. Soit autant de récits fictifs cristallisant les observations, les souvenirs d’une vie rapetissée, parfois très succincts, pas moins justes: l’un passe son temps à appeler des étrangers pour entendre le monde extérieur, l’autre est « libéré pour cause de décès »… Un faisceau de preuves s’accumule: on tient là un écrivain. « Exécuter un tatouage derrière les barreaux revient à coudre à petits points avec une aiguille à tricoter. C’est la définition même de l’ingéniosité dans l’univers carcéral: on arrive à tant de choses avec si peu. » Après cinq ans dans un monastère, Leonard Cohen a dit qu’on y était comme une pierre brute, enfermée dans un sac avec d’autres pierres brutes… De plus en plus attachant dans le feuilleton des après-midis où les mensonges dépassent les bornes, Dawkins manie avec précaution le matériau explosif des émotions. Porter et purger sa peine. Recouvrir et recouvrer. Pudeur et liberté.

De Curtis Dawkins, ÉDITIONS Fayard, traduit de l’anglais (États-Unis) par Jean-Luc Piningre, 248 pages.

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