Familier des frères Coen et des frères Farrelly, Richard Jenkins a attendu The Visitor pour enfin exister aux yeux du grand public. Il compose, dans Eat, Pray, Love, l’un de ces seconds rôles dont il a le secret…

Richard Jenkins, c’est le prototype du visage familier sur lequel on peine à mettre un nom. Vingt-cinq ans que sa présence habite ainsi l’écran, de Silverado en Witches of Eastwick; de Wolf en Absolute Power, en passant même par Un divan à New York. Avec le changement de siècle, le profil s’est toutefois singulièrement précisé. Les frères Coen d’abord, à partir de The Barber, et la série Six Feet Under ensuite, l’ont sorti du relatif anonymat des seconds rôles, avant que l’épatant The Visitor, où il tenait enfin la tête d’affiche, ne mette tout le monde d’accord. Quelques scènes, à peine, lui suffisent aujourd’hui à marquer Eat, Pray, Love de son empreinte, sous les traits d’un homme parti chercher quelque réconfort spirituel dans un ashram indien. Ainsi de celle où il se livre à une confession qui a le don de vriller le spectateur à son siège. Alors qu’on l’interroge sur la difficulté de se livrer à un monologue aussi intense, Jenkins répond le plus naturellement du monde que la première prise fut la bonne: « Avec le temps, on apprend que l’essentiel est de ne pas se mettre soi-même dans son propre chemin. » Entendez qu’il ne faut pas tuer l’inspiration du moment, précepte qu’il a eu le loisir de vérifier sur les planches -il a fait partie, pendant une quinzaine d’années, de la Trinity Repertory Company de Rhode Island- avant de l’appliquer à l’écran. A défaut, peut-être, de voyage spirituel – « je ne suis qu’un acteur superficiel », sourit-il, Eat, Pray, Love lui a fait l’effet d’une madeleine de Proust. « J’ai grandi dans une petite communauté rurale du Midwest, à 60 miles de Chicago. Gamin, dans les années 50 et 60, j’allais au cinéma chaque semaine, et j’ai découvert le monde à travers les films. Quand je me suis mis à faire du cinéma, je m’imaginais me retrouver à Paris, ou à Rome. Alors qu’en réalité, je vais surtout de Vancouver à Toronto. Outre qu’on éprouve sur place quelque chose qu’on ne pourra jamais reproduire en studio, tourner ce film en Inde m’a ramené à ce fantasme que je nourrissais alors, c’était un délicieux retour en arrière. »

L’autre raison de faire ce film, confesse-t-il bien volontiers, c’était de tourner avec Julia Roberts. « She’s so cool. C’est la star qui donne le ton du film, et celui qu’elle a imposé favorisait la créativité », observe-t-il, avec la lucidité de celui qui, à 63 ans, a aussi appris à prendre les choses comme elles viennent. Evoque-t-on ainsi sa collaboration avec les frères Coen, qu’il se fend d’une anecdote révélatrice: « J’avais auditionné pour eux à diverses reprises, pour Fargo notamment, sans jamais être retenu. Un jour la production m’a appelé pour passer une audition et j’ai refusé, ne voulant pas être une nouvelle fois recalé. C’est alors que Ethan Coen m’a contacté pour me demander si le rôle de Walter Abundas, dans The Man who wasn’t there , m’intéressait. A croire que pour jouer dans l’un de leurs films, il faut d’abord refuser de passer une audition. » Ce qui serait bien dans l’esprit des brothers, pour qui il a encore tourné dans Intolerable Cruelty et Burn After Reading. Richard Jenkins? L’homme qui était enfin là, en somme…

Jean-François Pluijgers

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