Avec Brooklyn’s Finest, Antoine Fuqua retrouve la veine qui avait fait le succès de Training Day. Et signe un polar dense, prenant le pouls d’un quartier de New York.

Antoine Fuqua réalisant Brooklyn’s Finest, c’est un peu comme si le cinéaste donnait une suite à son fort estimable Training Day, dont il aurait déplacé l’action de South Central, Los Angeles, à Brooklyn, New York. Le souci de vérité est toujours présent, la tension aussi, qui explose à l’occasion et aspire littéralement ses personnages dans un no man’s land moral -voir la rue, et survivre, peut-être. Entre les 2 films, une continuité thématique, et une griffe toute personnelle aussi, à tel point que l’on serait enclin à parler de marque de fabrique. Ce dont le réalisateur ne disconvient d’ailleurs pas: « Training Day et Brooklyn’s Finest sont les seuls de mes films qui soient vraiment moi. Les autres, comme King Arthur , je les ai tournés pour montrer que j’étais capable de faire autre chose que des films dans la rue. Quand je me suis lancé dans Training Day , je voulais faire un film qui ait quelque chose à dire, j’ignorais s’il aurait du succès. Avec Brooklyn’s Finest, il s’est avéré qu’il s’agissait des 2 expériences dont j’étais le plus satisfait en tant qu’artiste et en tant que personne. Et peu importe que le travail soit très difficile. »

Un conte moral

La réalité de la rue qu’il dépeint dans ses films, Antoine Fuqua l’a lui-même côtoyée, ayant grandi dans un quartier dur de Pittsburgh, avant de passer par Brooklyn. « Cela m’a aidé à comprendre la situation: c’est un monde à part, comme une sorte de prison, un système autonome avec ses règles et des politiques de rue où tout le monde est impliqué, flics compris. Le monde n’est pas censé tourner comme cela, mais cet univers existe. » Et les films d’Antoine Fuqua en témoignent comme peu d’autres auparavant. Ainsi encore de Brooklyn’s Finest qui entrecroise les destins de 3 policiers baignant dans le crime au quotidien et en proie à des dilemmes moraux dont ils ne trouvent pas la clé. Un film qui ne s’en tient pas uniquement à l’action, pour tenter de cerner aussi les mécanismes psychologiques sous-jacents: « Le personnage de Richard Gere est représentatif de ce que deviennent certains flics: tout à l’air parfaitement en ordre en surface, mais ils sont complètement bousillés à l’intérieur. La dernière image résonne pour moi comme un avertissement: voilà ce qui peut arriver au parfait agent, abattu, perdu, et ne sachant plus de quel côté de la ligne marcher. » Tout au plus si le film, un conte moral à bien des égards, entretient quelque timide espoir de rédemption.

Quant à Antoine Fuqua, il refuse pour sa part de céder à la fatalité. Actif auprès des communautés défavorisées, il a, en marge du tournage dans les East Brooklyn Housing Projects, développé un projet permettant à quelques jeunes du cru de se lancer eux-mêmes dans la réalisation d’un film -bourse qui sera reconduite d’année en année. « Je suis réalisateur, pas politicien. Mais je pense qu’il faut se retrousser les manches et se rendre dans les parcs à trailers et les banlieues pour comprendre ce qu’il y a lieu de faire pour changer les choses. Je peux tourner dans ces quartiers parce que les habitants savent que mon intention est de les aider, je les fais travailler, et je les respecte. » l

J.F. P.L.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content