Le réalisateur de Young Adult ne fait pas de cadeau à ses personnages… ni à ses spectateurs, qu’il aime trop pour ne pas vouloir les bousculer un peu.

L’humour est une arme fatale chez Jason Reitman, digne fils d’un bon artisan du burlesque (son papa Ivan a réalisé Ghostbusters, Dave et Evolution). Quand il signe Thank You For Smoking ou Up In The Air, l’enfant prodige -35 ans à l’automne- pratique un comique cinglant, une ironie dont la grande efficacité hilarante s’accompagne de résonances existentielles, tendues vers nous comme un miroir où notre reflet invite à la réflexion, par delà le rire. Mais quand il prend pour scénariste Diablo Cody, pour Juno et aujourd’hui Young Adult ( lire la critique dans Focus du 23/03), son trait se fait à la fois plus tendre (personnage féminin central oblige?) et plus dramatique, voire un peu tragique même si l’humour n’en est pas absent, composante évidente et parfois salvatrice de la condition humaine…

Connaissez-vous personnellement des gens comparables à Mavis, l’héroïne de Young Adult?

Bien sûr, on en connaît tous, dans la vie. Et moi-même je suis un peu comme ça. La plupart des gens veulent être aimés, et veulent être compris. Pour ce faire, ils adoptent des comportements qui peuvent parfois se révéler maladroits, voire indus ou carrément agressifs. Mavis est un exemple de ce qui peut arriver à une trentenaire en crise, dont l’existence n’a pas décollé, qui espérait que sa vie ait un sens et qui s’aperçoit qu’elle n’en a pas. Elle régresse alors vers le point de sa vie où les choses avaient un sens, son adolescence, le lycée, les grands projets professionnels et amoureux qui ne se sont pas réalisés…

Vous rencontrez pareils personnages dans le cinéma, au niveau de réussite où vous vous situez?

Plein! Vous n’imaginez pas le nombre de grands cinéastes qui le sont devenus uniquement dans l’espoir de pouvoir attirer des filles super canon! Pourquoi un homme prend-il une guitare? Ou une caméra? Le plus souvent pour qu’une femme tombe amoureuse de lui… Il y a sans aucun doute un aspect darwinien à tout ce que nous entreprenons!

Et vous, pourquoi êtes-vous devenu réalisateur?

Dans l’espoir que cela me permettrait de me comprendre moi-même, et d’être compris des autres. Cela m’a aussi permis d’exorciser sur l’écran, par l’humour le plus souvent, les situations les plus humiliantes qui me sont arrivées ou que j’ai pu craindre de voir arriver. Et puis c’est une belle opportunité de pouvoir manipuler les gens de manière excitante et intéressante!

Quelles sont les clés de votre collaboration avec Diablo Cody?

Nous sommes un peu la même personne, même si nous venons d’horizons très différents. Elle exprime des choses que je ressens moi-même, avec des mots que je n’ai pas encore trouvés. Quand elle dit ou écrit quelque chose, cela « clique » tout de suite, car c’est ce que j’aurais pu dire ou écrire moi-même si j’étais tout aussi à l’aise avec les mots qu’avec les images. Nous avons le même humour, j’aime la manière dont elle colore la comédie de pathos. Il y a en elle comme en moi un tranchant particulier que ses scripts incarnent idéalement. Nous faisons un bon combo!

Les acteurs qui travaillent avec vous sont unanimes à vous décrire comme très détendu et très sûr de vous pendant un tournage…

J’ai grandi sur des plateaux de tournage, alors ils ne m’angoissent pas le moins du monde. Enfin, j’étais tout de même terrifié la toute première fois que j’ai dirigé un film. Dire que j’étais ultra confiant au début de Thank You For Smoking serait un horrible mensonge… Mais j’ai vite appris. Je souhaite que mes acteurs soient relax et suffisamment confortables pour être eux-mêmes devant la caméra. Prenez l’exemple de Charlize ( Theron, ndlr). Il ne faut pas lui dire grand-chose. Il ne faut pas la diriger, en fait. Juste la regarder vivre, vivre le personnage.

Sa Mavis nous invite à nous regarder nous-mêmes?

Absolument! Il y a quelque chose d’elle en chacun de nous. J’espère que le spectateur le ressent. Et qu’il comprend pourquoi je lui refuse toute catharsis, toute rédemption, à la fin du film. Je ne m’intéresse pas aux gens qui surmontent leurs problèmes dans la vie et triomphent au bout du compte. Ce qui m’intéresse, c’est de savoir pourquoi les gens ne changent pas. C’était déjà la clé d’ Up In The Air.

Quel a été pour vous l’impact d’être fils de réalisateur?

Avoir grandi en plein dans le cinéma m’a donné l’énorme avantage d’une enfance délicieuse, à Beverly Hills… et le désavantage d’être considéré au départ, comme tous les fils et filles de réalisateurs, comme quelqu’un de totalement dénué de talent, qui ne doit sa chance dans le business qu’à son père et qui développera sans doute un problème de drogue ou d’alcool… Vous devez combattre ça, mais c’est un prix pas trop cher à payer! J’ai commencé dès l’âge de 19 ans, plus tôt que beaucoup et dans une attention plus grande que la normale. Mais cela ne m’a pas empêché de faire mes petites erreurs, et d’en tirer profit pour apprendre.

L’avis le plus important que vous ait donné votre père?

 » Cherche toujours la vérité. Que ce soit une comédie ou un drame, c’est la seule chose qui compte. Ne cherche pas à faire rire, ou à faire pleurer. Cherche à être juste, vrai, et ça viendra tout seul. » C’est le plus précieux conseil, j’essaie de le mettre en pratique chaque jour dans mon travail avec les acteurs.

Elle est facile à trouver, cette vérité?

J’ai de la chance. Mon baromètre pour la vérité est très bien réglé. Je repère les gens faux ou malhonnêtes à des kilomètres. Ça aide! l

Rencontre Louis Danvers

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