Dépressif dans le film de Noah Baumbach, Ben stiller y étend son registre sans rien perdre de ce qui fait de lui le comique le plus « existentiel » de sa génération.

Nous sommes à Berlin, où le festival présente Greenberg ( lire la critique du film page 31) en compétition officielle. Ben Stiller, excellent dans le rôle principal, nous reçoit dans une suite d’hôtel située en surplomb de la place Babel. C’est ici que les nazis, en des temps pas si éloignés, faisaient de grands bûchers avec les livres interdits, ceux des auteurs juifs surtout. De quoi faire réfléchir un comédien dont le travail s’inscrit de manière on ne peut plus directe dans la tradition de l’humour juif, nourri d’autodérision. Le comique hilarant de Meet The Parents et Night At The Museum étend certes son registre vers des accents plus dramatiques dans Greenberg. Mais ce qu’il y développe sur un mode moins directement burlesque prolonge la thématique de ses pures comédies populaires: l’immaturité, l’inadéquation sociale, l’humiliation, les situations de crise…

état de crise

 » Noah (Baumbach, le réalisateur de Greenberg, ndlr) a écrit un personnage très spécifique, un personnage traversant une crise majeure, car il est arrivé à un point de sa vie où il doit finalement accepter ce qui lui arrive, et surtout ce qu’il est. Je peux m’identifier assez facilement à pas mal de choses que vit et ressent le personnage. Je pense aussi que nombre d’autres gens pourraient également s’identifier à cela, même si ce à quoi ils doivent faire face ne prend pas une dimension aussi extrême, bien sûr. Je me suis d’ailleurs inspiré en partie de gens que je connais, qui me sont proches dans la vie. Mais si les thèmes de Greenberg traversent en partie certains de mes films précédents, le film a un ton différent. J’ai vécu cela comme un bonheur. Je ne sentais pas cette fois la pression de devoir être obligatoirement drôle. »

être vrai

 » Avec Noah, travailler est facile. C’est très relax, sur le plateau. Je me suis senti très confortable dès le premier contact, et ensuite lors des répétitions. Il n’y a jamais eu la moindre pression extérieure pour faire du film autre chose que ce qu’il devait être aux yeux de son auteur. Noah nous a demandé d’être vrais, réels, d’exister plus que de jouer. Etre en fait le personnage. Moi, c’était déjà la manière dont j’aborde tous mes films. Quelque extrême que puisse être la situation ou les réactions de mes personnages, je m’inscris dans le ton général voulu par le réalisateur, en tentant d’être aussi vrai que possible. Sur le tournage de Greenberg , j’ai eu bien sûr plus de place, d’espace, de latitude, pour le faire. Même s’il n’y pas eu la moindre improvisation devant la caméra. »

L.A. blues

 » Je suis New-Yorkais, mais j’ai vécu à Los Angeles pendant une vingtaine d’années. J’ai ainsi pu facilement m’identifier à la vision qu’en donne le film. On peut en effet se sentir très isolé à L.A., comme le personnage du film. Ce n’est pas une ville comme Berlin ou New York, une cité où vous pouvez descendre dans la rue, marcher et ressentir l’énergie qui émane des gens et des lieux. Si vous ne conduisez pas, si vous êtes un nouveau venu, c’est un endroit qui peut être très dur, et qui rend très difficile la connexion entre les gens. Vous êtes forcément, tôt ou tard, contraint à passer beaucoup de temps seul avec vous-même, et donc à vous confronter à ce qui peut, en vous, poser question. A New York, vous descendez dans la rue, vous établissez le contact avec d’autres personnes, vous trouvez plein de distractions, et vous pouvez oublier ces choses, même si elles restent bien présentes, à l’intérieur de vous… Vous n’avez pas ça à L.A. Et quand il pleut, cette ville devient probablement la plus inhospitalière du monde. Vous ne trouvez absolument plus personne dans les rues…  »

corps et esprit

 » J’ai décidé de perdre du poids pour Greenberg . Je voyais le personnage plus maigre, un mec n’habitant pas vraiment son corps, un mec déconnecté de son enveloppe charnelle. Je n’ai pas fait de régime particulier. J’ai juste… arrêté de manger (rire) . C’est la seule méthode que je connaisse pour vraiment perdre du poids. Pas drôle, mais efficace. Ne plus se nourrir que très parcimonieusement, ressentir en permanence la faim, vous met aussi dans un certain état mental, spirituel. Et ça m’a paru bon pour jouer le personnage.  »

réseaux sociaux

 » Comme tout le monde, j’ai expérimenté les réseaux sociaux sur Internet. En termes d’accessibilité des acteurs pour le public, cela change par exemple fort les choses. Mais c’est un truc très paradoxal. Car s’il est évident que cela vous permet de vous rapprocher de gens que vous ne connaissez pas vraiment, cela peut simultanément vous permettre de vous distancier des gens que vous connaissez très bien. Communiquer par messages virtuels, comme d’ailleurs par e-mail ou par sms, met les gens à distance. Je sais personnellement que j’utilise ces moyens vis-à-vis de gens auxquels je n’ai pas vraiment envie de parler directement, avec lesquels au fond je ne souhaite pas avoir un véritable échange… Mais globalement, Facebook et Twitter sont pour moi l’opportunité d’interagir un peu avec des gens qui me connaissent alors que moi je ne les connais pas. Dans une grande majorité des cas, cette interaction est aimable, positive. Il y a aussi les moments de crise, comme le tremblement de terre en Haïti, durant lesquels ces moyens de communiquer permettent aux gens de garder un contact quand tous les autres canaux sont coupés. Et ça, c’est formidable! Même si au bout du compte, je persiste à penser qu’un ami sur Facebook est autre chose qu’un vrai ami (rire)  » l

Rencontre Louis Danvers

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