Pote de Flying Lotus, surfeur mystique et prof de yoga, le mystérieux Californien Gonjasufi sort un disque OVNI psychédélique et lo-fi. à bord: le Gaslamp Killer, quelques Indiens, les fantômes de Tricky et d’Iggy…

Agissez de manière pacifiste. » « S’il vous plaît, sauvez votre esprit inquiet avant que vos c£urs soient trop petits pour que vous les trouviez. » Ces 2 citations sont extraites de fortune cookies (biscuits chinois dans lesquels sont insérés des messages, souvent des maximes) pas tout à fait comme les autres. Les petites suppliques sont tirées du premier album de Gonjasufi. Le genre de gars qui prélève une bouteille d’eau dans l’océan pour la faire goûter aux sables du désert (même qu’ils l’auraient remercié). Et surtout celui à qui l’on doit notre disque de chevet. 20 morceaux à apprivoiser, mais pas un seul à jeter, qui divaguent en Californie sous un soleil de plomb filant de méchantes mais non moins agréables hallucinations.

Car A Sufi and a Killer, c’est un disque barré, fascinant. Aussi surprenant, excitant et taré que le Maxinquaye de Tricky en son temps. L’idée lui fait plaisir. Quand on lui dit qu’il ne manque que sa voix déglinguée au dernier Massive Attack, Gonja, l’homme aux dreads qui vivait encore il y a peu dans une caravane pas bien loin de Las Vegas, s’emballe.  » Mon frère, je me suis dit la même chose. Faut que j’entre en contact avec ces types. Tu sais, après le hip hop et le reggae, je me suis vraiment pris de passion pour le trip hop. »

Originaire de San Diego, où il grandit dans un quartier sans trop d’histoires, Sumach Ecks, son vrai nom, se lance véritablement dans la musique quand il découvre le rap au début des années 90. « C’est ma mère qui a dû aller m’acheter le Straight Outta Compton de N.W.A. à cause de ce fameux autocollant Explicit Lyrics. Mon père, lui, n’a jamais compris que je m’intéresse à la culture gangsta, un monde dont il avait toujours essayé de tenir son fiston éloigné. »

Plus qu’un album, la révélation pour le gamin californien, ce sera la scène d’ouverture de Juice. Film d’Ernest R. Dickerson qui dissèque les m£urs d’un gang, contant le destin de 4 adolescents afro-américains bien décidés à se faire respecter dans les dangereuses rues d’Harlem. « Quand j’ai vu et entendu ce disque tourner, ce mec scratcher, pour la première fois, je me suis vraiment consacré sérieusement au DJ’ing et aux beats. Je me suis enregistré sur un 4 pistes. Et j’ai cherché compulsivement des sons dans les disques de jazz de papa et les groupes espagnols et mexicains qu’écoutait maman. « 

Complot

Avant d’enregistrer A Sufi and a Killer, son premier album, et quel album, sous le nom de Gonjasufi, Ecks a sorti quelques plaques de rap avec le collectif Masters of the universe. Il a aussi travaillé dans un aéroport. « Vous m’imaginez, avec ma tête, rôder près des avions. Après le 11 septembre, la moitié des gens pensaient que je remplissais les réservoirs avec de l’eau plutôt que du carburant. En plus je me bousillais la santé. »

Le yoga l’a sauvé. Purifié. Apaisé. Il lui a appris à maîtriser ses démons et à faire face au monde extérieur. « C’est grâce au yoga que j’ai résolu mes problèmes avec l’alcool et la cocaïne. Aujourd’hui, je me rends et me sens utile. Je me mets au service des autres. Je donne des cours. Mais à ma manière. Je commence par demander à mes élèves de nettoyer les toilettes. Juste pour leur faire comprendre d’oublier leur ego. Je suis loin d’être un saint, mais j’ai appris à m’apprécier et à ne plus trop m’énerver. »

Sa philosophie, la nouvelle signature du label Warp l’affine sur sa planche. « Je ne suis pas un grand surfeur, mais j’ai appris beaucoup de choses sur l’eau. En fait, j’y ai compris comment je devais me comporter sur terre. Mon frère, arriver à cette conviction derrière les mots m’a pris 30 ans. Trente ans de frustrations et de désespoir. Des tests de foi continuels. Une lutte de tous les jours. »

La voix éraillée, bousillée, filtrée de Sumach semble jusqu’ici impénétrable. Sur Internet, les adeptes de la théorie du complot n’ayant rien vu venir se demandent quel producteur se cache derrière cette tuerie. Certains fêlés vont même jusqu’à imaginer qu’il s’agit d’un side-project de Sufjan Stevens. Toutes les lettres de son prénom étant contenues dans le pseudonyme Gonjasufi…

Il y en a vraiment qui s’emmerdent parfois. En attendant, le rasta risque quand même de rester mystérieux quelque temps encore. Aucune tournée ni date de concert ne figure à son agenda.

Texte Julien Broquet

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