L’auteur retrouvé

Un bibliothécaire dépressif part à la recherche d’un chanteur contestataire disparu depuis 30 ans. Une belle histoire vraie à peine romancée.

 » C’était une idée lumineuse et romanesque… À présent, elle me semblait juste foireuse. » L’idée foireuse de Jean, bibliothécaire en burn out, consiste à retrouver la trace de Rémy Bé, un obscur chanteur contestataire qui, dans les années 70, avait sorti un disque avant de disparaître. Un disque, ou plutôt une cassette, que Jean trimballe avec lui, comme son mal-être, depuis 30 ans:  » Les paroles étaient d’une gravité désinvolte. Aucune grandiloquence. Des textes taillés au couteau. Tout ce que j’aimais.  » Et le voilà qui se lance donc sur sa piste, une quête  » drôle et pathétique« , typique de Tronchet, qui va l’emmener de Morlaix dans le Finistère à Berck dans le Nord, en passant par le salon de Pierre Perret ou le cap Gris-Nez, pour s’achever sur l’île aux Nattes, près de Madagascar -un îlot de deux kilomètres sur un, que ce mystérieux chanteur perdu a choisi pour refaire sa vie et se faire oublier. Évidemment, Jean va se chercher lui-même en même temps que son chanteur, qui  » n’est pas responsable de mon déni du temps qui passe« . Jean le dit lui-même, de plus en plus lucide:  » À force d’avoir vécu parmi les livres, je me suis fabriqué une fiction romanesque« . Pile-poil comme Didier Tronchet, auteur inspiré de ce Chanteur perdu.  » Je ne sais pas travailler autrement que sur de la matière vivante« , explique-t-il d’ailleurs lui-même dans la postface bien utile de ce roman graphique. Dont acte: cette histoire est la sienne avant tout.

L'auteur retrouvé

Vraie quête proustienne

Dans la « vraie vie », Rémy Bé s’appelle Jean-Claude Rémy, et Didier Tronchet est effectivement parti à sa recherche. Lui qui s’est toujours inspiré de ses propres expériences pour créer ses BD ou ses romans, qu’ils soient pathétiques et incroyablement drôles comme Jean-Claude Tergal, Raymond Calbuth ou Les Poissards, ou plus intimes et profonds comme les romans graphiques qu’il a multipliés ces dernières années (de Là-bas au Fils du Yéti), ne fait rien d’autre dans Le Chanteur perdu: il a effectivement parcouru la France, rencontré Pierre Perret (qui avait édité le seul disque de Rémy) et finit sur une île pour retrouver sa madeleine de Proust, et sans doute beaucoup de lui-même au passage. Une expérience de vie devenue expérience éditoriale, puisqu’on peut trouver sur son site web, www.tronchet.com, quelques chansons de Rémy ainsi que le roman que Tronchet a par ailleurs tiré de cette « recherche du chanteur perdu ». De quoi mêler comme rarement dessin et chanson et se laisser emporter dans ce récit pour une fois plus émouvant qu’acerbe.

Le Chanteur perdu

de Didier Tronchet, éditions Aire Libre/Dupuis. 184 pages.

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