L’Assassinat de Joseph Kessel

1926, Pigalle, une nuit dans un décor de cabarets russes en toc. Mikaël Hirsch organise ici la rencontre fictionnelle entre deux géants: l’anarchiste Nestor Makhno, fondateur en 1918 de l’Armée insurrectionnelle ukrainienne, révolutionnaire maudit rétrogradé prolétaire miséreux; et le noceur Joseph Kessel, déjà riche d’une légende d’écrivain bourlingueur, d’un statut d’aventurier-poète qui ne le quittera plus. Dix ans d’écart entre eux, mais tandis que l’un entame, en déchéance, son dernier tour de piste, l’autre déboule, dans sa jeunesse triomphante, sur une scène littéraire qui n’attendait que lui. Effondrement des utopies, montée en force du storytelling; essoufflement du politique, règne de la fiction, triomphe des beaux parleurs sur les agitateurs. Dans cet entre-deux-guerres mal engagé, le fils d’immigrés juifs russes vient d’assassiner dans un livre, Makhno et sa Juive, l’activiste cosaque -décrit sanguinaire, antisémite, aux trois quarts dingue. Qu’à cela ne tienne: le second se lance, flingue en poche, sur les traces titubantes du petit chéri de ces dames, pour lui faire moins métaphoriquement la peau. Hirsch, par son écriture aussi précise que sensuelle, transforme ce bras de fer entre mâles, contre l’oubli et la calomnie, en affrontement bien plus essentiel, entre le « faire » et le « raconter ».

De Mikaël Hirsch, éditions Serge Safran, 160 pages.

9

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content