Emprunté au poète Pessoa, le titre de l’exposition, Intranquillités, croise trois plasticiens issus de la diaspora marocaine: Mohamed El Baz, Charif Benhelima et Mounir Fatmi. Une déception d’abord: Charif Benhelima, un photographe installé à Anvers parti shooter Harlem et dont les quelques photos de sa série Harlem on my Mind: I was, I am paraissent anecdotiques et sans réel à-propos, montrant un borough vide et fané, qu’on devine à peine dans ce petit extrait de série. Beaucoup plus fort: l’installation Cocktails Molotov dont chaque bouteille « méchée » porte le nom d’un artiste… belge (Jan Fabre, Marcel Berlanger, Hell’O Monster, Emilio Lopez Menchero, David Clearbout…)! L’£uvre est signée Mohamed El Baz, installé à Lille. Depuis 1997, il creuse le monde avec sa « matrix » Bricoler l’incurable et accumule et réagence son matos au fil des expos: photos, tags, néons, peinture, objets, sons, vidéos, installations… faisant feu de tout bois. Derrière Cocktails Molotov, on tombe sur Niquer la mort: une série de tapis marocains qu’on peut tondre à l’envi, interrogeant l’identité stéréotypée sur des tapis « cheap ». Dans Rien d’autre n’aura lieu…, des photos sont alignées sur une étoile marocaine dégoulinante: visage en feu, cul en gros plan, trône royal kitsch et vide, fenêtre ouverte à la Magritte, micro bâillonné, etc. Le monde à vif. De son côté, Mounir Fatmi, né à Tanger, installé à Paris -actuellement présent dans une dizaine d’expos de groupe à travers le monde- collectionne « les violences contemporaines », non sans humour, telle cette photocopieuse encombrée de néons Mehr Licht! jouant sur la représentation insaisissable. Il ose un minaret de néons sur lesquels on peut lire la sourate 24 du Coran, intitulée An-Ur/La lumière. L’écriture arabe croise la traduction anglaise et nous dit « Allah is Ample… O you who Believe! Do not follow the footsteps of Satan. » Il poursuit avec Sleep Al Aim-For Salman Rushdie, un superbe film de 25 minutes où Fatmi filme un dormeur qui ressemble à Rushdie (cinq ans de travail pour modéliser numériquement cet écrivain victime d’une fatwa, impossible à contacter). L’£uvre nous installe dans le détail du dormeur (le cou, une main, le torse, un drap, une fenêtre, le tic-tac de l’horloge, les heures qui passent), une Joconde dans son genre suggérant la tranquillité… perdue de l’écrivain. Deux artistes qui réussissent, dans cette petite expo, à esquisser une « intranquillité » d’époque, sans éclat ni grand bruit, de l’Orient à l’Occident.

INTRANQUILLITÉS, JUSQU’AU 16 DÉCEMBRE À CHARLEROI AU B.P.S. 22. WWW.DABA.COM

N.A.

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