DEPUIS QUELQUES ANNÉES, ART CONTEMPORAIN ET TOURISME ONT COMPRIS QU’ILS AVAIENT TOUT À GAGNER D’UN RAPPROCHEMENT. WIN-WIN COMME DISENT LES MARKETEURS. POUR LE MEILLEUR… ET PARFOIS POUR LE RIRE.

TEXTE MICHEL VERLINDEN

« L’art contemporain est chez lui en Alsace. Une fois par an, durant le « week-end de l’art contemporain », le réseau et ses membres (musées, écoles et centres d’art, associations, collectifs d’artistes, etc.) invitent les curieux et amateurs à un grand circuit de découvertes et de rencontres qui traverse toute l’Alsace de l’art contemporain! Des bus sillonnent les lieux d’exposition et le tout gratuitement! » On trouve cette accroche un rien tapageuse sur le site Artenalsace.org. Elle est emblématique d’un phénomène qui n’est pas nouveau mais dont on peut constater l’intensification: l’art contemporain se découvre désormais une vocation touristique. Une vocation qu’il convient de placer dans un contexte plus large d' »événementialisation » de la culture. Celle-ci prend des allures de paillettes que l’on saupoudre sur des lieux, des sites, des villes, voire des régions entières en manque de visibilité. Le modèle absolu en la matière? Bilbao, pôle industriel en pleine déconfiture dans l’Espagne des années 90, miraculeusement revitalisé par la création d’un musée Guggenheim en 1997. Cette success story a poussé d’autres villes dans le créneau. Ainsi des noces cousues de fil blanc entre Metz et la franchise Beaubourg, un investissement de 45 millions d’euros qui s’est avéré fructueux jusqu’ici -la fréquentation du nouveau Centre Pompidou ayant dépassé les prévisions les plus optimistes avec 800 000 visiteurs depuis l’ouverture. Dans la foulée de ces clonages rentables, on attend encore l’implantation en 2012 d’une antenne du Louvre à Lens, autre parent pauvre du tourisme hexagonal. Et bien sûr, ce qui fonctionne du tonnerre avec une ville ne peut que faire mouche avec une région à l’écart des circuits touristiques. Comme l’analysait Evelyne Lehalle, dans la revue Espaces (1):  » En proposant un nouveau regard sur des paysages, un patrimoine, des savoir-faire, l’art contemporain joue un rôle d’interprétation du territoire. Il peut, à sa façon, rendre compte des mutations de celui-ci et l’inscrire dans le futur.  » Ce que réussit très bien Estuaire, ce parcours artistique le long de la Loire dont la 3e et dernière édition se tiendra en 2012.

Du plomb en or

N’empêche, ces opérations ont de quoi surprendre. Sur papier, l’association art contemporain et lieux délaissés ne partait pas forcément gagnante, à l’instar de la création culturelle qui habituellement ne concerne qu’un public averti. Pourquoi dès lors la formule remporte-t-elle un tel succès lorsqu’elle est mise en scène dans un contexte géographique qui lui-même n’attire pas les foules? C’est peut-être à la base qu’il faut chercher la réponse, du côté du simple visiteur. Ainsi d’Hervé, restaurateur dans la région liégeoise, qui avoue orienter ses vacances en famille vers ce type de manifestation.  » Je privilégie les circuits en plein air. L’avantage, c’est que ça met tout le monde d’accord. Ma femme qui aime découvrir en se promenant, mes enfants qui détestent être enfermés dans un musée et moi qui prend mon pied devant les £uvres.Ce qui nous plaît également, c’est qu’on bouge, on circule d’un endroit à un autre. En plus, l’organisation est en général bien pensée, il y a des tas d’activités annexes qui s’ajoutent au parcours principal. «  Claire, institutrice, ne dit pas autre chose, si ce n’est que le plaisir culturel  » est décuplé par celui de la découverte d’une région, qu’il s’agisse de nature, de patrimoine ou de plaisirs liés aux produits du terroir ».

En Belgique

La Belgique n’est pas en reste en la matière. C’est tout particulièrement vrai l’été, on l’on compte plusieurs événements s’inscrivant dans cet esprit. Ainsi d’ARTour, biennale qui se déroule dans la pas forcément glamour région du Centre -de La Louvière à Soignies, en passant par Thieu. Au programme, une série de musées, édifices, sites remarquables et paysages variés s’offrant à la découverte par le biais d’expositions consacrées à des plasticiens issus de la Communauté française mais également à des artistes venus d’autres horizons. Pour sa 8e édition, l’événement a choisi de s’afficher sous la cohérence d’une bannière thématique: la Déviation. Idem pour les 5es Promenades Photographiques en Condroz qui tournent autour de la question de l’Utopie. Intitulé Si loin, si proche, cet événement propose une douzaine d’expositions -dont 8 en solo show- et réunit près de 50 photographes belges et étrangers, de jeunes créateurs ainsi que des artistes de renom international. Mention pour le collectif français Tendance Floue et une sélection d’£uvres provenant des collections du Musée de la Photographie à Charleroi. On notera que les expositions sont organisées en milieu rural, dans des lieux charmants tant sur le plan architectural et patrimonial que paysager. En bonus, les organisateurs ont prévu pour la première fois un circuit à vélo sur le Ravel pour rejoindre les lieux d’expositions.

Reste que si ce type d’initiative séduit et fédère, il peut également provoquer des dérapages. Ainsi, par exemple, d’un événement comme les Ain’Pertinentes, biennale d’art populaire citadin du côté de Bourg-en-Bresse axée autour de la volaille. Le pitch?  » Le poulet de Bresse revu et corrigé par des artistes français ou étrangers.  » Les organisateurs promettent « des sculptures sur socle d’une hauteur de près de 2m qui invitent à revisiter les lieux emblématiques du patrimoine historique, économique et culturel de la cité. «  Voilà de quoi donner la chair de poule.

(1 ) REVUE ESPACES, N°258, AVRIL 2008.

– ARTOUR, RÉGION DU CENTRE. WWW.ARTOUR.BE DU 26/06 AU 28/08.

– 5E PROMENADES PHOTOGRAPHIQUES EN CONDROZ, CONDROZ LIÉGEOIS ET NAMUROIS. WWW.BIENNALEDEPHOTOGRAPHIE.BE TOUS LES WEEK-ENDS DU MOIS D’AOÛT.

– LES AIN’PERTINENTES, À 01000 BOURG-EN-BRESSE. DU 25/06 AU 18/09. WWW.LESAINPERTINENTES.COM

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