Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

RENTRÉE EN FORCE POUR LE WIELS QUI PROGRAMME UNE EXPOSITION DE PETRIT HALILAJ, JEUNE PRODIGE KOSOVAR REMARQUÉ LORS DE LA DERNIÈRE BIENNALE DE VENISE.

Poisened by men in need of some love

PETRIT HALILAJ, WIELS. DU 07/09 AU 15/01/14.

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Lors de la 55e édition de la Biennale de Venise, le pavillon de la République du Kosovo a fait parler de lui. La première participation de cette jeune nation -cinq bougies seulement…- à la grand-messe de l’art contemporain a été saluée unanimement comme une réussite. Motif? Le travail de Petrit Halilaj, artiste talentueux de 27 ans. L’installation proposée a marqué les esprits, fait cliqueter les claviers. Entrant dans la salle, le visiteur se trouvait nez à nez -c’est le cas de le dire dans la mesure où de fortes effluves de terre se dégageaient- avec une masse compacte, sombre et touffue qui dessinait un espace dans l’espace à la façon de poupées russes. Emplissant deux tiers du volume d’exposition, cet enchevêtrement de branches, de tiges et de brindilles avait de quoi déconcerter. Habitat premier? Construction de fortune pour un cataclysme à venir? Retour à la Pachamama, la Terre-mère? Difficile à dire. Pour mieux comprendre, il fallait se glisser à l’intérieur de cet amas aux contours utérins. Quelques mètres et la grotte végétale faisait place à une improbable lucarne. Une toute petite trouée où placer le regard. Là, un nouvel espace dont la douceur et la lumière contrastaient avec l’aridité sèche de la première écorce. Dans ce lieu intime et fragile, deux oiseaux, des canaris venus de la résidence berlinoise de l’artiste. Petits miracles exotiques aux couleurs éclatantes, les volatiles dessinaient quelque chose comme la possibilité d’habiter l’hostilité du monde.

Chemins de l’exil

Cette question d’habiter le monde est centrale pour Petrit Halilaj, elle hante son oeuvre. Comme le prouve également The places I’m looking for, my dear, are utopian places, they are boring and I do not know how to make them real, une installation conçue lors de la 6e Biennale de Berlin en 2010. L’artiste y restituait l’échafaudage érigé dans sa ville natale lorsque ses parents sont retournés vivre au Kosovo, juste après la guerre. Là aussi, un élément vivant -des poules- contribuait à donner une dimension supplémentaire à l’oeuvre. C’est que le travail du Kosovar se nourrit essentiellement d’une matière première autobiographique tout sauf figée: celle de son destin secoué par l’implosion de l’ex-Yougoslavie. Halilaj a connu l’exil et les camps de réfugiés, il s’y est d’ailleurs fait connaître pour son incroyable aptitude au dessin -il peut dessiner de manière simultanée avec ses deux mains. Cet usage intensif de la vie personnelle ne se fait pas dans le sens du raccourci. « Ni documentaire à proprement parler, ni précisément romantique« , note la commissaire de l’exposition, Elena Filipovic. Elle ajoute avec beaucoup d’à-propos: « Au contraire, son oeuvre évolue élégamment sur la corde raide entre mémoire et actualité, ingénuité et fiction, intimité et expérience partagée. » Cette corde raide sera exposée durant quatre mois, on prendra soin de veiller à ce qu’elle ne soit pas tendue en vain.

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MICHEL VERLINDEN

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