L’Arrachée belle

S’étiolant dans un mariage et une vie rangée qui ne lui correspondent pas, abrutie par des médicaments supposés calmer ses nerfs, la narratrice se sent domestiquée et suffocante. Elle écrase tout désir, joue  » à ne plus être elle-même » mais, sur le fil d’hallucinations, se réveille avec la bouche couvant des araignées. Un matin d’absence de l’homme, elle prend la tangente, laissant le mur de l’appartement couvert d’un phare dessiné à l’indélébile. D’étapes sur la route jusqu’à une montagne où elle préfère oublier son prénom -en momentum libérateur-, elle se dépouille couche par couche de son passé traumatique, réduisant  » la douane entre son corps et le monde« , écoutant ceux chez qui l’existence grince aussi. Si dans Ruines-de-Rome de Pierre Senges, le narrateur fomentait une Apocalypse par les plantes, semant celles qui mèneraient l’humanité à son terme, l’arrachée belle se rêve plutôt en pourvoyeuse de jungle aux pieds nus, femme qui court avec la mousse réduisant l’asphalte et s’extrayant des rets des constructions sociales. Décorsetée elle aussi, la langue de Lou Darsan ondoie et s’émancipe, impressionniste et fantasque, au plus près des sensations de celle qui renaît entièrement à elle-même. Et nous, lecteurs, de nous ensauvager avec elle, les poumons élargis par ce bain tourbillonnant de nature et de mots choisis.

De Lou Darsan, éditions La Contre Allée, 160 pages.

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