L’Afrique selon Avignon

Kalakuta Republik © © Sophie Garcia
Estelle Spoto
Estelle Spoto Journaliste

Le festival d’Avignon (lire aussi le portrait de Tiago Rodrigues, page 4) peut-il présenter sa programmation sans qu’une polémique éclate? En 2005, première édition du duo de directeurs Hortense Archambault et Vincent Baudriller, Jan Fabre comme artiste associé et une affiche s’ouvrant à la danse, la performance et l’art contemporain avaient déclenché les passions. En 2010 et en 2011, c’était l’absence de grands textes du répertoire qui était soulevée. En 2017, le programme présenté le 22 mars par Olivier Py, directeur du festival depuis quatre ans, a divisé autour de son « focus Afrique », non pour l’initiative en soi, qu’on ne peut que saluer, mais pour son contenu.

Parmi les 50 spectacles du In, Avignon accueille donc plusieurs artistes originaires de la partie subsaharienne du continent: la danseuse et chorégraphe née au Rwanda Dorothée Munyaneza, avec Unwanted, sur les enfants nés des viols pendant le génocide de 1994; la paire de chorégraphes burkinabés Seydou Boro et Salia Sanou (qui présentait récemment à Charleroi Clameur des arènes); les Ivoiriennes Nadia Beugré et Nina Kipré remontant Sans repères de leur compatriote Béatrice Kombé; Serge Aimé Coulibaly, autre Burkinabé, avec son Kalakuta Republik, inspiré par la musique et la vie de Fela Kuti (passé par les Halles de Schaerbeek en février). Si on y ajoute le Sud-Africain Boyzie Cekwana (The Last King of Kakfontein), ça fait quand même beaucoup de chorégraphes, solide contingent que viennent à peine contrebalancer la musique des Basongye de Kinshasa, la chanteuse malienne Rokia Traoré et une soirée entre littérature et musique consacrée à l’immense Léopold Sédar Senghor (avec notamment Angélique Kidjo et Manu Dibango). Ce qui fait débat ici, c’est l’absence de tout spectacle purement théâtral dans ce coup de projecteur sur la création africaine.

Le lendemain du dévoilement du programme, l’auteur et metteur en scène né à Brazzaville Dieudonné Niangouna publiait sur sa page Facebook un message incendiaire: « Inviter un continent sans sa parole est inviter un mort. C’est une façon comme une autre de déclarer que l’Afrique ne parle pas, n’accouche pas d’une pensée théâtrale dans le grand rendez-vous du donner et du recevoir. » On voit poindre, à l’échelle des relations Nord-Sud, le procès fait au festival en 2005, 2010, 2011: tenants de la primauté du texte versus partisans de formes spectaculaires poreuses. Rien ne change, mais tout se globalise…

71e édition du Festival d’Avignon, du 06 au 26/07, www.festival-avignon.com

Estelle Spoto

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