DU GARAGE À LA POP PSYCHÉDÉLIQUE EN PASSANT PAR LE PROG ET LE JAZZ ROCK, LE ROI GÉSIER ET LE MAGICIEN LÉZARD S’IMPOSE COMME LE GROUPE LE PLUS PROLIFIQUE ET TOUCHE-À-TOUT DE LA BOUILLONNANTE SCÈNE AUSTRALIENNE.

« Ce qui m’est arrivé? J’ai sauté sur le dos de Joe et je me suis latté, je suis tombé la tête la première. Je devrais peut-être inventer une histoire plus sexy, non? » OEil amoché, pommette gonflée et arcade sourcilière méchamment éraflée, Stu Mackenzie se marre, attablé à la terrasse Artistes des Ardentes. Stu, cheveu long, bermuda en jeans, est le cerveau de King Gizzard and the Lizard Wizard, les cousins australiens de Ty Segall, Thee Oh Sees et tout ce qui se fait de mieux dans la pop et le rock de l’ouest californien.

Stu est originaire d’Anglesea. Un petit village côtier de 2000 et quelques âmes réputé pour ses vagues et prisé par les fans de point break. « Beaucoup de mes potes passent leur vie sur une planche mais je ne suis pas vraiment un surfer. Je l’ai été un peu, avoue-t-il. Mais j’étais trop obsédé par la musique. Elle était partout autour de moi. J’étais encore bébé que mes parents m’emmenaient déjà en festival. Mon père jouait de la gratte. Il me chantait du Bob Dylan et du Neil Young en me mettant au lit. J’ai longtemps baigné dans le folk et le early rock’n’roll. Les Stones, les Beatles… Beaucoup de bazars des années 50 et 60. Tu te rebelles toujours un peu contre tes vieux quand tu es ado mais ça m’a nourri. Ça m’a amené à ce que je suis et à ce que je fais aujourd’hui. »

En bon petit diable et gentil sale gamin, érudit et éduqué, Mackenzie a bouffé du Nuggets, usé les compilations Back From the Graves. Se délectant de la crasse garage tout en étudiant la musique sur les bancs de l’université. « Je ne savais pas trop quoi faire en sortant de l’école. Et l’unif en Australie est plutôt relax. Eric, Joe et moi, on s’est rencontrés là-bas. On n’a pas été sélectionnés sur casting. On est un groupe de jam, qui ne s’imaginait jamais durer aussi longtemps, d’ailleurs. Si on avait nourri des ambitions de carrière internationale, on n’aurait probablement pas monté un projet de sept musiciens. Mais c’est ce qu’on est maintenant, et ce ne serait plus dans l’esprit de King Gizzard s’il en allait autrement. On essaie aujourd’hui de voyager le moins cher possible. Notre tour manager est un homme à tout faire. Il deale avec notre emploi du temps, gère le son et conduit le camion… »

Fondé en 2010 par une bande de chevelus aux faux airs glandouilleurs, Le Roi Gésier et le Magicien Lézard (si ça c’est pas un nom de groupe psychédélique) a sorti en 2015 ses sixième et septième albums. Une productivité qui n’a d’égal que l’éclectisme de sa jouissive discographie… « Avec ce groupe, on a toujours essayé, à chaque disque, de changer de visage. Le premier (12 Bar Bruise), c’est vraiment du rock garage à deux accords. Des chansons de deux minutes. Son successeur ressemble à une BO de western. Un truc de cow-boys et d’Indiens. On avait un mec, Broderick Smith, qui narrait tout le truc en spoken word. Le troisième, Float Along Fill Your Lungs, est le premier pour lequel on s’est penchés sur des idées plus psychédéliques. L’idée était de se distancier un peu du garage et de se tourner vers d’autres types de sonorités -kraut notamment. Puis Oddments a quelque chose de volontairement kaléidoscopique dans des chansons poppy assez courtes, là où I’m in Your Mind Fuzz nous a amenés vers quelque chose de plus lourd. »

Forever Young

En 2015, il y eut d’abord Quarters: quatre morceaux de 10 minutes 10 chacun. Un disque fluide et ambitieux, enregistré comme son prédécesseur à Brooklyn. Au 115 Troutman Street, chez les soulmen du label Daptone. « J’adore la plupart de leurs disques. J’ai vu Charles Bradley et Sharon Jones plusieurs fois. Ils sont formidables. Le Budos Band aussi: c’est phénoménal. Juste leur son déjà. Le studio est génial: que de l’analogique, pas d’ordinateur. C’est taillé pour nous. Tout petit, assez sale. Pas un truc de conte de fées. » I’m in Your Mind Fuzz (2014) avait demandé beaucoup de travail -le disque affectionnait les changements de caps, était très réfléchi et structuré. « Sa sortie fut d’ailleurs un soulagement. » Nommé dans la catégorie « Album jazz de l’année » en Australie, Quarters répondait plutôt à cette envie que les choses viennent plus facilement. « C’est mon côté fainéant. L’idée de chansons tirées en longueur, qu’on laisserait se développer naturellement. Longues mais simples dans leur progression. »

Mis en boîte dans un container maritime de la ferme Mackenzie, le nouveau Paper Mâché Dream Balloon prend à nouveau la tangente. Joue dans la cour des Kinks, de Donovan et des Zombies. Poppy, acoustique et enjoué, il a été mixé par Mikey Young, le guitariste des regrettés Eddy Current Suppression Ring. « C’est l’un de nos héros. Voir ces mecs quand on était plus jeunes, c’était quelque chose. Tout était dans l’énergie. La vibe. Ça ne sonnait pas prétentieux du tout. »

Si à la fin de ses études, Stu a enchaîné les petits boulots, servi des cafés et empaqueté des chaussures, l’un de ses deux batteurs, Eric, a lancé au même moment son propre label: Flightless Records. « On y sort nos disques en Australie, et quelques autres groupes, comme The Murlocs (deux mecs de King Gizzard, NDLR) ou The Babe Rainbow, termine Mackenzie en louant encore sa pote Courtney Barnett et les déglingués d’UV Race. Le rock australien nous a profondément marqués. The Saints, Radio Birdman… On est fiers de nos groupes guitares. D’ailleurs, à chaque fois qu’on me demande quel est mon band préféré, je réponds AC/DC. »

PAPER MÂCHÉ DREAM BALLOON, DISTRIBUÉ PAR HEAVENLY/PIAS.

LE 02/03 À L’AB CLUB.

TEXTE Julien Broquet

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content