Katana, numéro un

Le pixel art enluminé de Katana Zero cache d’hallucinants tableaux 16 bits. Exigeant une maîtrise absolue, le jeu déroule une histoire dense et vénéneuse.

La fascination exercée par la 3D de Tomb Raider et de Super Mario 64 enterrait le pixel art six pieds sous terre au milieu des années 90. Laissé pour compte un peu trop vite, ce style iconique des consoles 8 et 16 bits irradie, à nouveau, une foule de productions commerciales. Rain World, Iconoclasts ou The Messenger lui rendaient ainsi récemment hommage, avec un classicisme jubilatoire. Mais cette démarche 2D n’est pas forcément passéiste et nostalgique. Habillé comme une VHS de série B, Katana Zero travaille ainsi cet art bidimensionnel à coups de détails stupéfiants. Attention, ça coupe.

Les élégants héros longilignes de Crossing Souls et les enquêtes paranormales en noir et blanc de Midnight Scenes comptent parmi les disciples transcendant le pixel art de papa. Katana Zero se visite lui aussi, sourire aux lèvres et armé du sabre d’un ex-soldat camé et paumé, comme une galerie d’art interactive. Sa prodigieuse gestion de la lumière épate. Les contours du héros et les bords des meubles d’une chambre d’hôtel se drapent d’un halo perçant les rideaux entrouverts.

Katana, numéro un

Lézards urbains

Des effets de transparence vitrée (au sommet d’un gratte-ciel) au sang des adversaires repeignant les murs exactement selon le swing de la lame, il n’est pas rare de rester bouche bée face aux visuels d’Askiisoft. La dystopie qui accélère et ralentit constamment la vitesse des affrontements n’est heureusement pas qu’un bel objet graphique. Loin d’une farce vaporwave dans la veine de Far Cry 3: Blood Dragon (très recommandable), le jeu indé déballe ainsi un scénario crade qui pique immédiatement la curiosité.

Chaque mission du Dragon se ponctue d’une visite chez un psychiatre plus que louche. Entre prises de drogues dures et rêves vénéneux, on avance et on s’attache au samouraï urbain. Son appartement défoncé. La sono intenable des voisins. Puis, cette petite fille croisée dans la cage d’escalier. Et surtout, une série de missions d’assassinats que l’on ne parvient étrangement jamais à conclure.

Branchées sur une BO évoquant parfois le Vega Intl. Night School de Neon Indian, l’esthétique et la narration ciselées de Katana Zero soulagent la potentielle frustration de ses kilomètres de game over. Le trip néo noir exige en effet un timing parfait des coups de sabre. Les gardes et autres miliciens se précipitent parfois jusqu’à saturation (coucou Kill Bill!). Un pouvoir de slow motion permet de renvoyer entre autres des balles de flingue avec sa lame. Ce tour de passe-passe se double d’objets à lancer, de conduites de gaz à exploser et de roulades d’invincibilité temporaire. Le danger souvent planqué derrière une porte à défoncer, Katana Zero évolue donc entre Hotline Miami et Not a Hero. Retenir des séquences de coups devient vite obligatoire. Une partition exigeante mais fascinante, à l’image du jeu.

Katana Zero

Édité par Devolver Digital et développé par Askiisoft, âge: 18+, disponible sur Nintendo Switch (version chroniquée) et sur PC.

8

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