TIM PRESLEY (WHITE FENCE) ET CATE LE BON S’OFFRENT UNE PETITE RÉCRÉATION. DRINKS OU LES EXCITANTES AVENTURES DE DEUX ERMITES EN VACANCES…

Paris. Fin août. XIe arrondissement. C’est dans la petite cave de la Mécanique ondulatoire que Drinks s’apprête à donner son premier concert. Pas le premier de sa tournée. Ni son premier sur le sol européen. Non: le premier de son histoire, rien que ça. Drinks, c’est une rencontre assez inattendue et improbable. Celle du Ray Davies psychédélique californien Tim Presley (White Fence) et de la protégée du super animal à fourrure Gruff Rhys, la singer songwriter galloise Cate Le Bon. C’est aussi un disque complètement jeté, Hermits on Holiday, qui secoue dans son shaker Deerhoof, Syd Barrett, Nico et pas mal d’autres choses encore dans un esprit kraut expé bancal. « C’est peut-être tout simplement ce qui arrive quand deux punks essaient de faire du jazz », sourit le pote de Ty Segall.

Presley est vidé. Les yeux rouges et gonflés. Il a oublié l’interview mais nous accueille quand même avec le sourire et sa comparse, en train de remplir notre sac à dos des bières de son frigo. « Je ne connaissais pas Tim. C’est l’un des membres de mon groupe qui m’a suggéré de prendre White Fence comme première partie à Los Angeles, se souvient Le Bon. Mon premier contact avec sa musique fut de le voir en concert à Santa Monica. Il était cool. Sa musique? Pas mal (rires). »

« Moi, on m’a proposé une date avec cette fille. Je l’ai googlée, pour vérifier quand même. Je n’avais jamais rien entendu d’elle et j’ai immédiatement été séduit. Le concert m’a bluffé. C’était super tendu. Aux Etats-Unis, on se perd parfois un peu, pour le meilleur et pour le pire. Là, c’était intense. Elle tuait à la guitare. Ça m’a donné envie de rentrer chez moi répéter… »

Fascinée depuis toujours par Los Angeles, Le Bon part en 2013 y enregistrer (notamment avec le batteur de White Fence Nick Murray) et décide de s’y installer. Presley la contacte un beau jour. Il travaille sur la réinterprétation d’un obscur et rare album de 1971: Dandelions des Children of Sunshine. « Ce disque a été enregistré par Tres et Kitsy, deux gamines d’une dizaine d’années. Un type m’a demandé si ça m’intéressait de reprendre une chanson ou éventuellement tout l’album. J’ai opté pour le package en pensant immédiatement à Cate. »

« C’est la première fois qu’on a fait de la musique ensemble, ponctue-t-elle. J’ai été chez lui. Il avait tout sous contrôle mais ramait un peu sur une chanson. »

« Elle a réarrangé le morceau et c’était génial. Il y a deux types de personnes: celles qui disent non, sont incapables d’expliquer pourquoi et n’ont pas la moindre alternative à proposer. Et puis celles, comme Cate, qui suggèrent des solutions. Bref, le disque est fini mais ces petites filles sont devenues des femmes et sont quelque peu sceptiques sur le deal. Ça discute sur les droits. Je ne sais pas quand, mais ça sortira. »

Splash, Lou Miami et les Young Marble Giants…

L’idée d’une collaboration plus étroite se concrétise quand Le Bon part avec White Fence en tournée pendant deux semaines pour remplacer le guitariste John Webster Johns. « J’avais contacté Slash de Guns N’ Roses mais il était occupé. » « Tu voulais Slash et tu as eu Splash! » Les deux complices décident dans la foulée d’avancer. Bookent un studio. Et se mettent à bosser downtown dans un espace de répétition emprunté à Ty Segall et John Dwyer. Ils construisent leurs morceaux en jammant, armés d’une basse et d’une guitare.

« On a écouté beaucoup de disques ensemble. Un peu comme tu le fais avec tes potes quand tu es adolescent. Cette excitation partagée autour de la musique fut notre principale source d’inspiration. »

Le Bon a fait découvrir à Presley les Young Marble Giants et un duo post-punk minimaliste gallois ardemment défendu par John Peel (Datblygu). Presley a introduit Le Bon aux Tronics et à son morceau préféré de tous les temps, Dancing With Death du weirdo de Boston Lou Miami. « Ce qu’on a fait écouter à l’autre, c’était quelque part ce qu’on voulait secrètement faire mais qui ne collait pas vraiment à nos univers solo respectifs, résume-t-il. Je ne parle pas de copier qui que ce soit mais d’une certaine approche. »

« Nous n’avions pas de règle. De cahier des charges, précise Le Bon. Juste l’envie de faire ce qui nous passait par la tête. Nous ne nourrissions pas d’attente. Tout au plus de la curiosité. »

Avide de liberté, Cate a un faible pour la collaboration de Gruff Rhys avec le musicien brésilien Tony Da Gatorra. « Le mec réparait des vidéocassettes au Brésil. Il a rêvé d’un instrument, l’a créé en se levant le lendemain matin et a quitté son boulot. Certaines parties sont inaudibles mais ce projet est incroyable. »

Comme El VY (Matt Berninger de The National et Brent Knopf de Menomena), Sisyphus (Sufjan Stevens, Serengeti et Son Lux) ou les Last Shadow Puppets (Alex Turner et Miles Kane, qui bossent actuellement sur un nouvel album), Drinks est plus que la somme de ses parties et a ouvert à ses têtes pensantes de nouveaux horizons.

L’aventure a commencé avec une chanson à la Patsy Cline. « Tu l’entends si tu joues Tim, Do I Like That Dog? à l’envers. Non, je déconne, elle n’est finalement pas sur l’album… C’était trop prudent. Pas assez dangereux. C’est ce que les gens auraient attendu de nous davantage que ce que nous, nous voulions vraiment. Ça me semblait forcé alors que c’était notre habitat naturel. Certains seront déçus de l’album: ceux qui s’attendent à quelque chose de plus doux et mélodieux… Mais tu as envie de dire aux gens: « Ecoutez-le dans un an ou deux quand vous ne serez plus des putains d’idiots. » Quoi? C’est vrai! Cate va continuer à enregistrer des disques. Moi aussi. Et on reviendra avec Drinks. Il y a aujourd’hui assez de place pour toutes ces musiques. »

HERMITS ON HOLIDAY, DISTRIBUÉ PAR PIAS.

RENCONTRE Julien Broquet

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