Jours redoutables

Bien que les douze pépites de ce recueil empruntent des formes narratives diverses -du conte fantastique à la saynète fitzgéraldienne-, certains motifs reviennent en boucle. Celui, entêtant, de la solitude par exemple, qui grignote le coeur de la plupart des protagonistes. Et que chacun combat à sa façon, souvent maladroite, toujours insatisfaisante. Ainsi de ce père jamais remis de la séparation de ses parents et tentant de rallumer la flamme de l’insouciance enfantine lors d’un pèlerinage à Disneyland. Ainsi aussi de cette romancière interrogeant ses choix de vie dans les bras d’un ancien camarade de fac lors d’un colloque sur les génocides. Tous sont un peu paumés. Comme le confie ce personnage:  » Je traverse une mauvaise passe, dit-il. C’est comme si je ne trouvais plus mes sentiments ou les avais laissés derrière moi. » Au bout du cheminement pavé de dialogues caustiques -qui touchent au grandiose dans un échange de messages sur un forum dédié aux oiseaux domestiques- se trouve au mieux une forme de résignation, au pire un surplus de mélancolie. Un éventail de névroses s’enracinant dans la jalousie, la rancoeur ou la perte d’un être cher. Enfermée dans un déni pesant, une famille joue à la normalité sur les hauteurs de Los Angeles, s’abîmant dans la surface des choses (piscine, ennui, liftings…) pour fuir le trauma. Le trait pourrait être assassin si Homes ne privilégiait la sobriété à la surenchère et la complexité à la caricature. C’est beau, atmosphérique et désespéré comme du Sofia Coppola, millésime Somewhere.

De A.M. Homes, éditions Actes Sud, traduit de l’anglais (États-Unis) par Yoann Gentric, 336 pages.

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