Jorja on my mind

Annoncé par la hype, la jeune Anglaise sort enfin Lost & Found, premier album réussi, convainquant toutefois davantage par sa maîtrise que par ses audaces.

Quelques jours après la sortie de Lost & Found, Jorja Smith fêtait son anniversaire. Sur le gâteau, 21 bougies, pas une de plus. Et déjà un premier album qui a pu bénéficier d’une attention médiatique conséquente. Cela fait en effet un moment que le nom de la jeune Anglaise aux racines paternelles jamaïcaines circule dans le circuit musical. L’an dernier, le rappeur Drake est venu par exemple la chercher pour faire la première partie de ses concerts (tout comme Bruno Mars) et l’a invitée sur son album More Life. Plus récemment, on a encore pu la retrouver au générique de l’album de la révélation pop Kali Uchis, tandis que Kendrick Lamar lui a filé un morceau ( I Am) sur la bande originale du film Black Panther. Il y a pire soutien pour lancer une carrière, on l’avouera.

Il faut bien alimenter la machine, trouver chaque semaine la sensation du moment. Dans le cas de Jorja Smith, la rumeur a démarré en 2016. À l’époque, elle habite encore du côté de Walsall, ville industrielle des West Midlands, au centre de l’Angleterre. Repérée quatre ans plus tôt grâce à une cover postée sur YouTube, elle bénéficie déjà des conseils et de l’appui d’un management londonien. Sur SoundCloud, Smith poste alors un premier single. Introduit par des claviers drainant volontiers une mélancolie eighties, Blue Lights est une ballade urbaine, évitant le mélo amoureux pour évoquer la violence de la rue et les pressions policières. Bizarrement, la vidéo officielle n’est sortie qu’en mai dernier. Elle a été tournée en noir et blanc, dans le quartier où Smith a grandi. Elle-même n’y apparaît pas. À la place défilent des figures uniquement masculines (dont celle de son propre père, ou encore de Mike Skinner, aka The Streets). En fin de morceau, des scratches old school et un extrait du Sirens de Dizzee Rascal ( » When you hear the sirens coming« ) achèvent de coller le morceau au bitume, raccord à la tradition working class anglaise.

Jorja on my mind

Inclus dans l’album, Blue Lights reste l’un de ses meilleurs morceaux. Il est aussi celui qui lorgne le plus vers le hip-hop, dans un disque qui se nourrit surtout de musique soul, d’évidences pop, voire d’accents jazzy ( Lifeboats). Par facilité, on a souvent rapproché Jorja Smith d’une Amy Winehouse -qui est en effet une de ses « obsessions musicales ». Mais au jeu des références, les allusions à Adele ( Don’t Watch Me Cry), Jessie Ware ( Wandering Romance) ou Corinne Bailey Rae ne sont pas non plus complètement incongrues. Certes, privilégiant les downtempo, Jorja Smith peut parfois donner l’impression de « trop » chanter, appuyant là où ce n’est pas toujours nécessaire. Au fil des morceaux, elle finit pourtant par ajuster le tir, et faire même preuve d’une maîtrise assez bluffante. Plus que les morceaux, encore souvent trop cadrés, c’est d’ailleurs ce qui finit de convaincre: Lost & Found a beau ne rien révolutionner -ce n’était pas son ambition-, il s’avère être un premier essai particulièrement séduisant.

Jorja Smith

« Lost & Found »

Distribué par Famm/V2. En concert le 21/10, à l’Ancienne Belgique, Bruxelles.

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