Jonathan Pryce: « L’énergie et l’enthousiasme de Terry Gilliam sont intacts »

© Diego Lopez Calvin
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Il aura fallu un « accident industriel » pour que Jonathan Pryce incarne Don Quichotte, un rôle dévolu à l’origine à Jean Rochefort avant de passer, au fil des multiples déclinaisons du projet, des épaules de Robert Duvall à celles de John Hurt et même de Michael Palin. Rencontre.

Jonathan Pryce en Don Quichotte, il y a là comme une évidence, réaffirmée à chacune de ses apparitions dans The Man Who Killed Don Quixote. Entre l’acteur britannique et Terry Gilliam, la complicité remonte à plus de 30 ans, nul n’ayant oublié sa composition dans Brazil, en 1985. Depuis, le réalisateur et le comédien s’étaient retrouvés à deux reprises, pour The Adventures of Baron Munchausen trois ans plus tard, et The Brothers Grimm, en 2005. Il aura toutefois fallu un « accident industriel » pour que Pryce incarne Don Quichotte, un rôle dévolu à l’origine à Jean Rochefort avant de passer, au fil des multiples déclinaisons du projet, des épaules de Robert Duvall à celles de John Hurt et même de Michael Palin. « Terry avait écrit quelque chose pour moi dans sa première version, mais je n’étais pas libre, une situation qui s’est répétée par la suite, sourit-il dans sa barbe et ses guenilles, alors qu’on le cueille au sortir de son heure et demie de maquillage quotidien. John Hurt aurait été extraordinaire dans ce rôle. Quand il est tombé malade, Terry m’a demandé d’y réfléchir, mais j’étais déjà pris. Une série d’événements malheureux, mais chanceux pour moi en un sens, sont alors survenus -comme si Terry avait en fait attendu que je devienne assez vieux… » Soit un peu moins de 70 printemps au moment d’un tournage qui l’a vu se surpasser -après tout, Quichotte est connu pour se lancer à l’assaut de moulins sur son fier destrier, exercice qui, s’il ne lui était guère familier, n’a pas eu l’heur de le décourager: « J’étais assez nerveux au départ, pensant ne pas pouvoir faire une série de choses. Nous nous étions préparés à ce que les cascadeurs me suppléent sur pas mal de scènes, mais j’en ai finalement tourné un grand nombre moi-même. Cette aventure s’est révélée extraordinaire, je me considère vraiment comme un privilégié. Et ne croyez pas que je dise ça à tout propos…« 

Jonathan Pryce:
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Directions inattendues

On ne peut bien sûr que spéculer sur ce qu’aurait donné une version du film associant Jean Rochefort à Johnny Depp. L’opposition de styles entre Adam Driver et Jonathan Pryce fait en tout cas des étincelles, ce dernier donnant au chevalier à la triste figure une touche aussi personnelle que délectable. « Le roman de Cervantès fournit un cadre, mais la façon de représenter Quichotte est ouverte aux interprétations. En outre, je joue quelqu’un qui s’imagine être Quichotte sans l’être vraiment -c’est donc l’idée que quelqu’un se fait de lui, inspirée par celle de Terry. J’aime jouer des personnages ne répondant pas à un canevas strict… » Et les emmener dans des directions parfois inattendues, disposition encouragée par Terry Gilliam, réalisateur ouvert aux surprises -manière sans doute de préserver la fraîcheur d’un projet auquel il se consacre depuis presque trois décennies. « Je ne trouve pas que Terry ait changé depuis toutes ces années, poursuit l’acteur. Peut-être se fatigue-t-il un peu plus vite que par le passé, mais c’est naturel. Son énergie et son enthousiasme sont intacts, en dépit de la frustration qu’a dû générer le fait de voir capoter un film qu’il avait déjà fait 100 fois dans sa tête. » La malédiction qui a longtemps semblé frapper la production a, du reste, laissé des traces, et le comédien raconte ainsi qu’une fête a été organisée après quelques jours, une fois passé le cap fatidique qui avait vu le tournage de l’an 2000 virer au cauchemar.

« Des différents films que Terry et moi avons tournés ensemble, Brazil fut le plus calme. Nous avions le temps de nous préparer et de répéter pour le lendemain, ce genre de choses. Le tournage était assez long, bien plus long même que celui-ci, où nous avons tant à faire sur un laps de temps assez réduit. » Contraintes peu susceptibles de brider l’imaginaire de Gilliam, que ne se fait faute de saluer l’acteur. « Terry compte parmi ces réalisateurs pour qui il est aussi intéressant de raconter une histoire visuellement que par la narration. Il a vraiment une vision, sans même parler de l’étendue de son imagination. On sait, quand on va travailler avec lui, qu’il s’agira d’une expérience unique. J’ai la conviction que le résultat sera extraordinaire. Et surtout, le film sera terminé! » (rires)

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