Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Vous, les hommes – Pour son nouvel album, Jeanne Cherhal a tout fait toute seule. L’occasion de quelques chansons en apesanteur. Et de creuser un sujet à multiples entrées: la gente masculine…

« Charade »

Distribué par Universal.

Ce n’est pas forcément sur elle que l’on aurait parié. Début des années 2000, Jeanne Cherhal (Nantes, 1978) accrochait la vague « nouvelle chanson française ». Petites histoires bien troussées, chansons espiègles, piano-voix bavards: de quoi s’enthousiasmer sans penser forcément que cela va mener beaucoup plus loin. Avec L’Eau, 3e album sorti en 2006, la donzelle en profitait cependant pour partir en vrille. Un disque audacieux qui ouvrait de nouvelles perspectives.

Aujourd’hui, plus moyen de revenir en arrière. C’est qu’on prend facilement goût aux sentiers de traverse. Pour son nouveau disque, Miss Cherhal a donc remis les compteurs à zéro. Nouvelle maison de disque, et nouvelle méthode de travail. Pour Charade, la musicienne s’est amusée à tout faire toute seule. « Je me suis retrouvée pour 10 jours de studio à Madrid. J’étais juste accompagnée de l’ingénieur du son Yann Arnaud. On ne se connaissait pas, on s’est rencontrés pour la première fois à l’aéroport en partant! Je pensais qu’on allait se limiter à quelques maquettes améliorées. Mais on s’est tellement bien entendus, que je me suis sentie très vite en confiance. Assez naturellement, je me suis mise à la batterie. Il m’y a encouragé aussi. Je pense que cela l’amusait aussi de me voir naïvement prendre des baguettes, faire des basses… Du coup, je me suis dit: ok, allons-y à fond! Résultat: au bout des 10 jours, on avait enregistré 5 titres. »

Flou artistique

Charade est ainsi riche de ses maladresses, touchant dans ses côtés un peu gauche. Cela n’en fait pas un disque à spectre limité. Au contraire, chaque chanson tire ici sur une corde différente, bénéficiant de ses propres arrangements. Jeanne Cherhal s’essaie ainsi à l’adaptation, avec Mon corps est une cage, relecture du titre des Canadiens d’Arcade Fire ( My Body Is A Cage, pour être tout à fait clair), et c’est plutôt bien vu. Mais c’est encore avec ses propres mélodies qu’elle touche dans le mille, comme avec Hommes perdus ou Cinq ou six années, qui lorgne vers ce que la variété française seventies a fait de mieux ( « On m’a déjà fait la remarque, en me parlant aussi d’Yves Simon »).

Au passage, rarement Jeanne Cherhal n’a semblé autant plonger sa plume dans l’encre de sa vie intime. Il reste bien un titre plus politique comme Pays d’amour. Mais  » c’est vrai que c’est un disque qui tourne beaucoup autour de ma personne… et de mon rapport avec la gente masculine. » C’est en effet l’enjeu principal de l’album. Et de la charade qui donne son titre au disque. Ils sont tous là, présents ou disparus: père, amis, amants… L’occasion de régler des comptes ( Certains animaux) ou de rendre hommage ( Hommes perdus). Ou de s’offrir une petite échappée fantasmée, comme le suggère le premier single, En toute amitié, qui voit une conversation téléphonique entre 2 amis déraper… « Cela faisait un moment que je voulais écrire un truc sur ça, sur l’ambiguïté de certaines relations. C’est une manière d’être que je ne cultive pas spécialement, mais quand il y en a, j’aime bien ça. Je ne trouve pas cela spécialement négatif. Parfois, cela peut même être très instructif, cela peut amener à se dépasser. » Dont acte…

En concert, le 18/03, au Botanique, à Bruxelles.

Laurent Hoebrechts

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