ICÔNE DE LA POP CULTURE, LE RÉALISATEUR AMÉRICAIN MET EN SCÈNE LE RÉVEIL DE LA FORCE. UN ABOUTISSEMENT POUR LE COCRÉATEUR DE LOST, VÉRITABLE AMOUREUX DES FILMS DE SON ADOLESCENCE.

On lui a confié les clés de la maison. Une grosse maison, un monument même, érigée en 1977 par George Lucas et qui, de dépendance en dépendance, aura gagné toujours plus de terrain dans la culture populaire. Difficile de quantifier la pression qui pèse sur les épaules de J.J. Abrams, à quelques jours du 16 décembre et de la sortie officielle de Star Wars: Le Réveil de la Force (lire le dossier page 10). A côté, le lancement du dernier James Bond passe pour une anecdote de comptoir. A 49 ans, le metteur en scène en a vu d’autres; cela ne l’a pourtant pas empêché de qualifier de « terrifiant » le moment où, devant les pontes de Disney, il a dû présenter une première version du projet. Pour rappel, l’Oncle Walt a racheté Lucasfilm en 2012 pour un montant global de 4 milliards de dollars, s’arrogeant par là le droit d’ouvrir la franchise à un septième épisode, après un prequel en trois actes loin d’avoir fait l’unanimité. Car Star Wars, c’est aussi et surtout une affaire de gros sous. Qui de mieux, dès lors, qu’Abrams, digne héritier de Steven Spielberg, pour déposer une belle motte de beurre dans les épinards de l’entreprise? Quoi qu’il en dise –« Jamais, au grand jamais, je ne me serais imaginé un jour travailler sur un épisode de Star Wars », le golden boy d’Hollywood fait figure de choix logique. Parce qu’il s’y connaît en sagas. Au grand écran comme à la télé. Et parce qu’il est un vrai passionné: originellement, il aurait hésité à mettre en scène ce nouvel opus… parce qu’il préférait prendre sa claque le jour de sa sortie, comme n’importe quel fan! Une histoire qui fait peut-être partie de la légende que s’est construite depuis près de 25 ans ce natif de New York qui, aujourd’hui, ajoute un chapitre au « film le plus influent de sa génération ».

Lost, le phénomène pop

Au départ, dans les années 90, il y a les scénarios. Filofax, A propos d’Henry, Forever Young… Le genre de films dont on se souvient vaguement et que l’on croise parfois l’après-midi, sur Club RTL. Puis il y a Armageddon, plus grosse machine dont il n’assume pas forcément le manque de finesse. Mais si la décennie lui permet d’écrire plusieurs longs métrages, c’est la télévision qui fera de J.J. Abrams le nabab qu’il est aujourd’hui. Son nom figure ainsi, d’une manière ou d’une autre, au générique de… treize séries, soit en tant que créateur, showrunner, scénariste, réalisateur, producteur ou compositeur du générique! Ce qui, malgré la qualité variable de ces projets, reste tout de même beaucoup pour un seul homme…

Felicity, lancée en 1999 (un an après la création de sa société Bad Robot), ouvre les compteurs. Déjà, on y trouve son amour pour les héroïnes féminines -la jeune Keri Russell, aujourd’hui à l’affiche de The Americans. Mais c’est véritablement Alias, entre 2001 et 2005, qui placera J.J. en gras dans les agendas de la profession. Portée à nouveau par un personnage féminin fort -Jennifer Garner, en agent double de la CIA-, la série va convaincre Tom Cruise en personne de confier à Abrams la réalisation de Mission Impossible 3, en 2005. Premier pas dans les sagas… Un film, succès mitigé au box-office, dont la mise en scène écartera momentanément J.J. de son grand carton télévisé: l’épopée des rescapés du vol Oceanic 815… Car si l’on oublie souvent qu’Abrams n’a pas créé la multi-primée Lost tout seul, qu’il n’est pas vraiment à l’origine du projet et qu’il délaissera le navire assez rapidement (pour y revenir ponctuellement), ce véritable phénomène de la pop culture porte indéniablement sa griffe. A savoir sa soif d’aventures, de grosses explosions, son dada pour le lens-flare (ces parasitages de lumière aveuglante à l’écran, qu’il utilise tellement que des parodies tapissent le Net pour s’en moquer) et surtout sa passion pour le mystère, les questions métaphysiques et les références bibliques. Féru de magie quand il était gamin, Abrams adore ouvrir des boîtes, découvrir ce qu’elles cachent, puis les décortiquer jusqu’aux dernières coutures.

Avec Lost, il entre véritablement dans la cour des grands. Et Fringe, le projet qu’il cocréée en 2008, ne fera qu’asseoir cet impact. Entre-temps, Hollywood lui aura confié deux reboots de Star Trek (2009, 2013), il aura mis en place l’excellent Cloverfield (sans le diriger), et il se sera même essayé à un projet plus personnel, avec Super 8: hommage à sa passion d’enfance et à son grand-père (qu’Abrams cite sur écran dès qu’il le peut) qui lui avait offert une caméra du genre, le film rappelle qu’il n’est pas qu’une machine à blockbusters. Même si, avec Le Réveil de la Force, on touche aujourd’hui à la quintessence du concept. Avec le toujours excellent Oscar Isaac en tête de distribution, Abrams peut compter sur du costaud. D’autant que les légendes des trois épisodes initiaux, Harrison Ford, Carrie Fisher et Mark Hammil, seront aussi de la partie. On croise les doigts: si son sens du spectacle n’est plus à démontrer et qu’il a l’expérience des communautés de fans, c’est peut-être encore plus décisivement la passion sincère qu’entretient Abrams avec les films de son adolescence, Star Wars en tête, qui nous pousse à attendre ce nouvel opus avec confiance. Le réveil de la Force, c’est peut-être vraiment pour ce coup-ci.

TEXTE Guy Verstraeten

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