Après avoir cartonné avec leur remix de Kid Cudi, les Crookers sortent un premier album électro gargantuesque. à voir dans le Marquee de Rock Werchter.

Ce fut le tube de l’été dernier. Pas moyen de passer à côté du Day ‘N Nite de Kid Cudi remixé par les Crookers. Un vrai carton, morceau hip hop boosté à l’électro par les 2 DJ’s italiens, et qui mettra la carrière du rappeur sur orbite.

Au départ pourtant, l’affaire est mal embarquée. Francesco, moitié barbue du duo: « La maison de disque n’aimait pas trop notre remix. Ils nous ont dit que de toutes façons il n’y avait plus de place pour l’inclure sur le maxi. Donc on l’a repris, et on l’a filé en téléchargement gratuit sur le Net! »

Et le morceau de passer ainsi de blog en blog avant d’être acclamé par la vox populi. Le jackpot pour le rappeur, mais des peanuts pour les Ritals. « Pas grave, on préfère malgré tout que la musique circule. Et puis, on a profité du buzz aussi… » D’ailleurs, Andrea, le 2e élément du binôme, prolonge: « Au festival de Lollapalooza, on jouait juste après lui. C’était assez étrange. A la fin de son concert, il a joué notre remix et c’était vraiment les 2 minutes où les gens sont devenus dingues. Finalement, cela reste encore la meilleure rémunération. »

Une autre fois, à Chicago, les 2 Italiens se mettent en tête d’aller tout de même serrer la pince à Kid Cudi en coulisses. « Il a débarqué, entouré d’une dizaine de personnes, 3 managers, à bord de 2 SUV noirs… Lui a été très sympa avec nous. Il ne se la joue pas. C’est juste tout le cirque autour de lui… « 

Mixtape

Pas de risque que cela arrive aux Crookers. Quand on les rencontre, c’est dans le salon d’un hôtel quelconque d’Eindhoven. Il y a donc Francesco Barbaglia, grand, crâne rasé, la tchatche facile. Et puis Andrea Fratangelo, alias Bot, plus petit, réservé, mais à l’anglais (un poil) plus fluide. Aucun manager ou attaché de presse à l’horizon. Un quart d’heure avant l’interview, c’est Bot lui-même qui téléphone pour s’assurer de notre arrivée imminente. Il ne faudrait cependant pas se tromper: sur la planète électro, les Crookers, c’est du lourd. Ils étaient l’une des têtes d’affiche de la dernière édition d’I Love Techno, et le prochain festival Rock Werchter leur a réservé une place de choix dans sa programmation du jeudi (la clôture du Marquee). Depuis plus de 2 ans, ils collectionnent les maxis et les remix en tous genres. Voilà aujourd’hui qu’ils sortent leur premier album. Francesco: « Ce n’était pas spécialement une demande du label, qui est content avec des EP’s ou des singles. Mais on avait envie d’un truc un peu old school » (rires). Comme de sortir un véritable album donc, toujours une gageure en soi, surtout quand on vient de l’électronique. Les Crookers n’ont pas fait les choses à moitié: bourré jusqu’à la moelle, Tons of Friends multiplie non seulement les invités prestigieux (Kelis, Soulwax, Roisin Murphy, Will.I. Am…), il s’étend aussi sur pas moins de 20 morceaux (près de 70 minutes)! Forcément, l’ensemble est un poil inégal. Par contre, on ne s’y ennuie jamais, les Crookers multipliant les angles de vue différents. Francesco: « On peut voir un album comme un tout, un truc très cinématographique, avec une histoire… Dans le genre, le dernier Starkey, par exemple, est probablement l’un des meilleurs de ces derniers mois. Mais on ne voulait pas partir là-dessus. Avec Tons of Friends , on est plus près de la mixtape. » Bot: « Si vous prenez les disques des Beastie Boys, ils mélangeaient aussi plein de styles différents: hardcore, instrumental, hip hop… A la fin, cela crée tout un monde, même si a priori cela semble partir dans tous les sens. »

Zone sinistrée

Des 2 Many Dj’s à Justice en passant par Diplo ou Boys Noize, les Crookers font aujourd’hui partie intégrante de la scène électro mondiale, ce grand réseau informel qui les fait tourner aux 4 coins du monde. Cela étant dit, Francesco habite toujours dans le même « village de bûcherons, dans les Alpes, où la seule musique que les gens écoutent, c’est Eros Ramazotti ». Bot, lui, a déménagé depuis peu à Londres. « J’ai grandi à Milan. Mais si vous n’y êtes pas pour le travail, il n’y a aucune raison d’y rester. En été, il fait suffocant. Et en hiver, c’est plus humide qu’à Londres! » Francesco: « Et puis, il n’y a qu’une paire de clubs, toujours les mêmes depuis les années 90. »

C’est qu’en termes de musiques électroniques, l’Italie a longtemps fait office de zone sinistrée. Francesco: « Dans les années 80, il y a eu l’italo-disco, ce genre de truc. Par après, du coté de Riccione ( l’alternative branchée à Rimini, ndlr), des mecs comme Ricky Montanari et Flavio Vecchi ont commencé à jouer de la house. » Bot: « C’était peut-être la dernière bonne période pour la production italienne, avec toute la piano house… Mais après, cela a tourné à rien. »

Pendant 20 ans, les 4, 5 mêmes DJ’s monopolisent ainsi le clubbing italien. « Ils débarquaient en bagnole, jouaient, repartaient avec 3 filles à l’arrière. Au passage, ils empochaient 1000 euros, et glissaient 10 000 autres dans la boîte à gants », se marre Francesco. Bot: « Quand vous vous lanciez comme DJ, vous étiez condamné à ouvrir l’une de leurs soirées. Pas très motivant. » Francesco: « Ou comme dans notre cas, ouvrir pour celui qui ouvrait la soirée! (rires)  »

Aujourd’hui, les DJ’s vieillissants cèdent le pas. Surtout, Internet a fait sauter les verrous, ouvrant une fenêtre sur le monde. C’est d’ailleurs comme cela que les Crookers ont pu s’échapper. Grâce à leur page MySpace, ils sont contactés un jour par la Fabric, le fameux club londonien. A ce moment-là, Bot panique encore en avion, et ni lui ni Francesco ne se débrouillent vraiment en anglais. « Mais ce fut un moment déterminant. On a pu commencer à y croire. En Italie, on jouait souvent devant 2 pelés, 3 tondus. Et quand il y avait un peu de monde, ils ne comprenaient pas toujours ce que l’on faisait. On devait toujours un peu arrondir les angles. A Londres, on y allait à fond et les gens devenaient dingues! » Comment dit-on, en italien, « nul n’est prophète en son pays »?… l

Crookers, Tons of Friends, distribué par NEWS.

En concert le 01/07, à Rock Werchter.

Rencontre Laurent Hoebrechts

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content