L’UNIVERS DE MAD MEN, CELUI DES BUREAUX DE MADISON AVENUE, EST IMPITOYABLE. EN PARTICULIER POUR LES FEMMES.

Il est le maître, elle est l’élève. Dans Mad Men, Don Draper incarne un créatif de génie, qui prend sous sa coupe une jeune secrétaire, Peggy Olson, qui se révélera être une copy ambitieuse. Un tandem dont le talent fera des ravages auprès des consommateurs américains des 60’s. Jon Hamm et Elisabeth Moss, qui interprètent ces pubeux aux dents longues, nous recevaient à Cannes, cet automne, où ils étaient conviés -dans le cadre du Mipcom- à l’invitation de Sundance Channel, qui diffusera la série dès le mois de février. Complices à la ville comme à l’écran -lui moins sexy que son personnage, elle plus fatale que le sien.

Selon vous, quel est le vrai thème de Mad Men? La solitude, les rapports homme-femme…?

Jon: Je pense qu’il y a un peu de tout ça. Je crois aussi que la raison pour laquelle la série évolue dans le monde de la publicité est que la pub définit et vend une certaine idée du bonheur. On peut l’extrapoler aux relations interpersonnelles. Don et Betty, sa femme, ont une relation qui peut faire penser à bien des égards à une campagne de pub. La grande ironie du show est de montrer que ces gens qui promeuvent le bonheur et l’épanouissement à longueur de temps sont en réalité malheureux et frustrés.

Peut-on considérer Peggy comme une féministe et Don comme un sexiste? Ou ces personnages sont-ils plutôt des produits de leur temps?

Elisabeth: Je crois qu’elle est une féministe mais qu’elle ne le réalise pas. Elle ne brûle pas ses soutiens-gorge et ne désire pas émasculer les hommes, mais elle aime son job, elle aime la pub, elle veut apprendre et profiter de toutes les opportunités qui s’offrent à elle.

Jon: Je ne pense pas que Don soit sexiste mais plutôt, effectivement, qu’il est un pur produit des 60’s. A mon avis, il est d’ailleurs impossible de ne pas être un produit de son temps, quel qu’il soit. Don, comme les autres personnages, sait juste ce qu’il sait. Il est une sorte d’archétype masculin rétro, il joue le rôle qu’il croit devoir jouer. La comparaison entre ces canons anciens et les

actuels est l’un des aspects fascinants de la « politique sexuelle » de notre show.

Seriez-vous capable, après tout ce que vous en savez, de travailler dans une agence?

Elisabeth: Non. D’abord parce que j’adore mon métier de comédienne. Je pense que je ne serais pas capable de travailler dans un bureau, avec tout ce que ça implique comme routine. J’aime rencontrer de nouvelles personnes et me lancer dans de nouvelles expériences. J’imagine que le pôle créatif de la pub pourrait me convenir, mais je ne suis certainement pas un auteur.

Jon: Je crois que je ne serais vraiment pas un bon « ad man ». Je n’en ai simplement pas les capacités. Si la série nous a appris quelque chose à propos de cet univers, c’est qu’il est très exigeant, stressant, et demande des résultats immédiats. Et puis ça requiert un investissement collectif, et un esprit d’équipe au service d’un leadership. Comme comédiens, nous sommes évidemment familiers avec le travail collaboratif, mais dans une optique très spécifique, qui n’est en rien comparable à celle de la pub.

Etes-vous à l’aise avec les relations hiérarchiques au travail?

Jon: Oui et non. Je crois qu’un chef est nécessaire, qu’il peut tirer notre créativité vers le haut tout en nous laissant une certaine liberté… Mais il doit aussi avoir une vraie vision et une stratégie réfléchie pour canaliser cette créativité. Nous avons la chance d’avoir un boss comme ça.

Quel genre de personne est Matthew Weiner (créateur, producteur exécutif et scénariste de Mad Men)?

Jon: C’est quelqu’un d’incroyablement créatif, intelligent et obstiné, mais qui ne fait pas les choses seul dans son coin: il se soucie énormément de l’opinion des gens qui l’entourent et de leur approbation.

On le dit perfectionniste jusqu’à la maniaquerie, et très nerveux…

Elisabeth: Pas vraiment nerveux, mais perfectionniste, carrément! Ce qui permet à Mad Men d’atteindre ce niveau de qualité. Il ne laisse rien au hasard, et ne baisse jamais les bras. Après avoir gagné autant d’Emmy Awards et de Golden Globes, il aurait pu se reposer sur ses lauriers, mais ce ne fut absolument pas le cas. Il travaille comme un fou pour lui-même, mais aussi pour le public -qu’il tient en haute estime. C’est certain, on ressent fort ce perfectionnisme. Mais il a indéniablement ses avantages.

Auriez-vous aimé vivre à l’époque de Mad Men?

Elisabeth: Non, je ne crois pas. J’ai eu une vie très différente de celle de mon personnage, Peggy. On m’a toujours laissé la possibilité de faire ce que j’avais envie de faire. On ne m’a jamais casée dans une boîte, ce qui n’aurait pas été le cas dans les 60’s, où il fallait correspondre à ce qu’on attendait de nous.

Jon: En tant qu’homme blanc qui a relativement bien réussi sa vie, cela aurait été moins difficile pour moi de m’épanouir à cette époque. Mais je trouve la nôtre beaucoup plus fascinante, et je crois qu’une chose que notre série essaye de souligner, c’est que le « bon vieux temps » n’était en réalité pas si bon. l

RENCONTRE MYRIAM LEROY, À CANNES

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