Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

AU DÉBUT DES ANNÉES 80, UN COLLECTIF LONDONIEN PART À L’ASSAUT DE LA MUSIQUE IRLANDAISE, PIPEAUX AU VENT. UN BOX D’ALBUMS REMASTERISÉS RACONTE LA SAGA POGUES.

Box 8 CD « 30 Years »

The Pogues

DISTRIBUÉ PAR WARNER.

8

Lorsque Shane MacGowan fonde Pogue Mahone à Londres en 1982, son exploit majeurest une photo parue dans le NME le 6 novembre 1976: on l’y voit hilare, à un concert de Clash, le lobe d’oreille sectionné et ensanglanté par sa copine. Né dans le Kent en 1957, Shane passe ses six premières années en Irlande avant de revenir en Grande-Bretagne. Ce punk extraverti à la dentition de victime du scorbut donne brièvement dans le trois cordes-crachats (avec The Nipple Erectors) avant de retourner à ses racines gaéliques. Le premier album de The Pogues -nom inspiré d’une vieille expression gaélique signifiant « va te faire foutre », raccourci sous la pression des auditeurs de la BBC- sorti à l’automne 1984 est loin d’être une sensation commerciale. Par contre, son stew d’énergie punk et de racines irish, de chansons à boire et baiser, de saillies celtiques requinquées au larynx soiffard de Shane, s’avère plutôt goûteux. Le mix inédit dope le pipeau et fait couiner l’accordéon sur des sensations marines, combinant originaux et reprises de là-bas.

Méduse édentée

L’hybridation punk-folk est poussée au meilleur dans Rum Sodomy & The Lash (août 1985) où l’écriture narrative de Shane s’impose comme l’une des plus juteuses de la pop anglaise. On y coche A Pair Of Brown Eyes, écrit par MacGowan sur les fondements d’une mélodie du XIXe, et Dirty Old Town d’Ewan MacColl, Anglais poète et activiste. Les Pogues se posent ainsi en protagonistes d’une Irlande libre et internationaliste. D’où la volonté d’étendre leur palette sonore sur If I Should Fall From Grace With God (janvier 1988), brillant opus imprégné de jazz, de sensations hispaniques et moyen-orientales. Phil Chevron -autre Irlandais de la bande, mort en octobre 2013- écrit le très beau Thousands Are Sailing, et Shane s’associe avec Jem Finer pour Fairytale Of New York, futur tube récurrent de Noël. La livraison suivante, Peace And Love (juillet 1989), explore le lien du groupe à Londres mais se révèle moins féconde. Il faut attendre Hell’s Ditch (novembre 1990) pour renouer avec les belles sensations d’un disque qui navigue entre hommage aux républicains espagnols (Lorca’s Novena) et parfums asiates. Summer In Siam est l’une des dernières pièces majeures de Shane, alcoolique invétéré, viré en 1991. Privés de leur géniale méduse édentée, The Pogues sortent encore deux disques anecdotiquesavant de raisonnablement jeter l’éponge discographique en 1996. Reste l’inédit du coffret, un Live In London de 22 titres, daté de décembre 1991, avec dans le rôle de Shane -et plus si affinités- un Joe Strummer idéalement carnivore.

PHILIPPE CORNET

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