Entre cinéma et religion, le dialogue est parfois étroit. Représentations religieuses stricto sensu, ouvres traversées de spiritualité ou questionnant la foi, voire encore films d’horreur convoquant un bric-à-brac pseudo mystique: les déclinaisons du sacré à l’écran sont nombreuses. Aperçu non exhaustif des incidences chrétiennes au cinéma…

les représentations religieuses

C’est là un genre presque aussi vieux que le cinéma, et qui a engendré une production abondante, comme d’inégale qualité, d’ailleurs. Cecil B. De Mille, avec The Ten Commandments (2 fois, à quelque 30 ans d’intervalle), John Huston avec The Bible, Franco Zeffirelli avec Jesus de Nazareth, Pier Paolo Pasolini avec L’Evangile selon Saint Matthieu, Roberto Rossellini avec les 11 Fioretti ou encore, il n’y a guère, Mel Gibson avec une controversée Passion of Christ lui ont versé leur écot. Et ont été rejoints par ceux, tout aussi nombreux, ayant retracé le destin de personnalités touchées par la grâce: sans même parler des innombrables passions de Jeanne d’Arc, citons ici l’admirable Thérèse d’Alain Cavalier, d’après Sainte Thérèse de Lisieux; The Song of Bernadette d’Henry King, avec Jennifer Jones en Bernadette Soubirous, Sydney Penny reprenant le rôle pour Jean Delannoy; Monsieur Vincent de Maurice Cloche, avec Pierre Fresnay dans le rôle du futur Saint Vincent de Paul; le Andrei Roublev de Andrei Tarkovski, et on en passe, comme la S£ur Sourire de Stijn Coninx à laquelle Cécile de France prêtera ses traits.

les films à la spiritualité diffuse

De Dreyer à Bergman, l’£uvre de cinéastes majeurs est traversée de spiritualité diffuse; c’est du reste également le cas, quoique de façon plus explicite, d’un Kieslowski revisitant notamment les 10 commandements dans son Décalogue. Le mysticisme slave imprègne pour sa part les films d’Andrei Tarkovski ( Le sacrifice) comme ceux de Pavel Lounguine ( L’île). Tout récemment encore, un Saverio Costanzo dans In memoria di me, un Carlos Reygadas dans Stellet Licht, trouvent l’expression d’une troublante spiritualité. Une qualité que l’on peut prêter aussi à Sous le soleil de Satan de Maurice Pialat, d’après Bernanos, et un film en forme d’intense questionnement de la foi -en une démarche également à l’oeuvre, de manière sensiblement différente toutefois, chez un Martin Scorsese ( The Last Temptation of Christ), ou encore chez John Patrick Shanley dans le bien nommé Doubt. Enfin, faut-il préciser que des valeurs dont la religion n’a pas le monopole habitent de nombreux films, sous forme d’un humanisme présent aussi bien chez Akira Kurosawa ( Vivre) que chez Jean-Pierre Jeunet ( Le fabuleux destin d’Amélie Poulain); chez Roberto Rossellini ( Stromboli) que chez Federico Fellini ( La Strada).

du côté du malin

On ne saurait par ailleurs ignorer l’exploitation qu’a fait le Septième art de la figure du Malin, le cinéma fantastique surtout, mais pas exclusivement, y recourant abondamment. Aux côtés de diverses déclinaisons du mythe de Faust, visité aussi bien par Murnau que par René Clair ( La beauté du diable), on assiste ici à la multiplication de films recourant à un bric-à-brac mystique à géométrie variable. Pour un Carrie ou un Exorcist du plus bel effet, combien de nanars exploitant un fonds de commerce incertain, les Stigmata et autres, quand il ne s’agit pas d’inscrire une intrigue fort quelconque dans un brouillard religieux -les Da Vinci Code et consorts. Reste, en matière de visitations du Malin, ces pasteurs défroqués auxquels Brad Dourif ( Wise Blood de Huston), Richard Burton ( Night of the Iguana du même Huston) et bien sûr Robert Mitchum ( The Night of the Hunter de Charles Laughton) ont donné leurs lettres de noblesse…

le regard critique

Qu’il s’agisse de l’anticléricalisme affirmé d’un Bunuel (et irriguant un volet significatif de son £uvre, de Nazarin à L’ange exterminateur en passant par Viridiana) aux ravages d’une éducatión religieuse stigmatisés par Almodovar dans La mala educacion (un thème que l’on retrouve encore notamment chez Frears, pour Liam), les dérives de la religion, et du christianisme en particulier, sont régulièrement passées au crible de caméras scalpels… Fellini, encore lui, nous offre la vision d’un clergé corrompu appréciant les défilés de mode ecclésiastique ( Roma); Jean-Pierre Mocky investit Lourdes à sa façon dans Le Miraculé; Rivette, aidé d’Anna Karina, revisite la claustration forcée de La Religieuse de Diderot; Costa-Gavras, dans Amen, ou Paolo Sorrentino, dans Il Divo, dénoncent la collusion de l’Eglise avec les nazis pour le premier; avec le pouvoir italien corrompu pour le second. Dans un registre différent, Jesus Camp dénonce la levée du fanatisme religieux aux Etats-Unis, sujet sensible s’il en est. Preuve, du reste, que ce qui touche au religieux ne peut laisser indifférent: il avait suffi que le Larry Flynt de Milos Forman soit présenté dans une pose reprenant celle du Christ sur la croix pour que le film soit l’objet d’une levée de boucliers…

Texte Jean-François Pluijgers

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