Inflorescence

En 1911 dans le Jura, au bord du Gouffre du Diable, il y a Pierrette, paysanne, qui implore les forces souterraines de lui retirer cette bouche de trop qu’elle porte dans son ventre. Elle finira par mourir en couches quand sa fille, Aloïse, sera paria dans sa famille. Près de 100 ans plus tard, à Genève, il y a Vivian, pure citadine détachée de tout ce qui pousse, qui, alors qu’elle vient d’enterrer Amalia, se demande:  » Comment est-il encore possible que tout tienne encore debout alors que ma mère n’est plus là? » Toutes, comme Catherine, activiste de la reforestation en Argentine marquée par le décès brutal d’un amour, sont des ramifications d’un même tronc. Elles forment une lignée de femmes en quête d’un terreau d’émancipation. En alternant ces quatre voix, Antonescu donne à lire, en strates gorgées de sens, autant leur singularité qu’une vraie parentèle. Si chacune a cherché à faire rupture avec ses aïeules, les fruits ne sont finalement pas tombés si loin de l’arbre. En parallèle de leurs propres dons à la terre et de ce qu’elles en reçoivent en retour, ressurgit ce lieu mystérieux, le Gouffre de Jardel -déversoir du surplus d’obus de la Première Guerre mondiale- et ce qu’il dit métaphoriquement de ce qu’on laisse tous au tréfonds, dans l’obscurité: nos regrets, nos pertes, nos consciences.

De Raluca Antonescu, éditions La Baconnière, 268 pages.

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