Home sweet home

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Après le carton d’A Seat at the Table, Solange Knowles pousse son r’n’b alternatif jusqu’aux limites du jazz. Arty, certes, but not farty.

« When I Get Home »

Cela faisait un moment que la rumeur enflait. Mais il a donc fallu attendre le dernier jour du mois de février, celui du Black History Month aux États-Unis, pour que Solange dévoile son nouvel album. Une sortie-surprise, annoncée seulement quelques heures auparavant, comme seuls peuvent se le permettre ceux qui savent bien qu’ils feront de toute façon l’événement. Ce qui est assurément le cas de When I Get Home. L’album succède en effet à A Seat at the Table: paru à l’automne 2016, le disque avait permis à Solange Knowles de quitter définitivement l’ombre de sa soeur Beyoncé, traçant son propre sillon soul-r’n’b, rare et élégant, sur fond de fierté noire.

Depuis, Solange n’a eu de cesse d’enfoncer le clou, en livrant des concerts hypertravaillés et chorégraphiés. Mais en donnant aussi une série de performances dans des musées tels que la Tate Modern ou le Guggenheim à New York. À l’heure où sa soeur s’éloignait des rivages pop des débuts pour des audaces plus indie, Solange elle-même poussait le bouchon plus loin, virant carrément arty. C’est en tout cas ce que semble indiquer ce nouveau cru. Si le précédent conservait un pouvoir de séduction assez instantané, son successeur se fait volontiers plus abstrait. En moins de 40 minutes, Solange enchaîne près d’une vingtaine de morceaux (dont cinq « interludes »). Aucun ne dépasse les trois minutes. Tous semblent plus ou moins flotter dans l’éther, entités vaporeuses basées sur des motifs répétitifs, plus proches d’un jazz fusion cosmique ( My Skin My Logo, Stay Flo) que de grooves soul bien identifiés…

Home sweet home

À bien des égards, When I Get Home s’écoute comme on regarde une installation conceptuelle dans une galerie d’art. Moins avec les tripes qu’avec le cerveau. Ce n’est qu’en craquant le code qu’on pourra commencer à vraiment l’apprécier. Comme son titre semble le suggérer, When I Get Home reviendrait ainsi à des préoccupations plus personnelles. De fait, la ville de Houston, Texas, dans laquelle a grandi la jeune femme est omniprésente. Que ce soit dans les titres des morceaux ( Almeda, S Mc Gregor), certaines références littérales ( Way to the Show, sa batterie qui mitraille, sa guitare qui « wawah »), musicales (les triplets trap d’ Almeda, hérités du rap sudiste), ou visuelles.

En renouant avec ses « racines », Solange semble toutefois avoir moins redécouvert une identité claire qu’au contraire une vraie multiplicité. Comme elle le déclare dans l’interlude Can I Hold the Mic, « je ne peux me résumer à une seule expression de moi-même, il y a trop de parties, trop d’espaces, trop de manifestations, trop de lignes, trop de courbes », etc. When I Get Home réussit ainsi à proposer un générique pléthorique (du Français Chassol au producteur Metro Boomin, de Panda Bear à Tyler The Creator), tout en ne laissant aucun doute sur l’identité de la vraie maîtresse de cérémonie. Quitte à se laisser aller à une certaine autocomplaisance, il parvient surtout à sonner dépouillé tout en fourmillant de détails. Enregistré à Houston, mais aussi dans la moiteur de la Nouvelle-Orléans et de la Jamaïque, When I Get Home est à la fois distant et lascif, comme plongé dans la chaleur d’une nuit tropicale. Vivement l’été…

Solange

Distribué par Sony.

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