RETAPÉ ET À NOUVEAU INSPIRÉ, MATTHEW HOUCK, ALIAS PHOSPHORESCENT, SORT MUCHACHO, UN ALBUM POP, TRISTE ET MODERNE, IMAGINÉ AU MEXIQUE. ARRIBA.

Même si ses reprises de Willie Nelson et le country rock poussiéreux d’Here’s to Taking it Easy n’ont pas laissé un souvenir impérissable dans notre chaumière, on commençait tout doucement à se languir de Matthew Houck. Trois ans sans disque de Phosphorescent, c’est comme trois matchs du Barça sans but de Lionel Messi. Une éternité. Sans doute parce qu’il y a quelques années, le natif d’Alabama regrettait ouvertement l’époque où les artistes se devaient d’être prolifiques. Le temps où Waylon Jeninngs, John Prine et Bob Dylan sortaient des albums tous les six mois.

L’absence aurait pu être plus longue encore. Matthew Houck a tâtonné. Morflé. Douté. Il s’est même sérieusement interrogé sur son avenir dans la musique. « Je vieillis. J’ai 33 ans. Et être sur la route tout le temps peut t’endommager, explique le gentil barbu dans un hôtel où il détonne avec la déco branchouille. Etre musicien, c’est à la fois beaucoup, trop parfois, de vie sociale, et les pires complications à construire une vie de famille.  »

Après 18 mois à donner des concerts, à courir les salles, à bouffer des kilomètres, le retour sur terre et à la maison l’a ébranlé. Comme il le chante sur A New Anhedonia, la musique s’est même mise à l’ennuyer. Souvent observée dans des cas de dépression, l’anhédonie caractérise l’incapacité à ressentir des émotions positives lors de situations de vie pourtant considérées antérieurement comme plaisantes. « Je ne connaissais pas ce terme avant d’avoir écrit la chanson. C’était d’autant plus difficile à encaisser que ma vie reposait sur la musique. C’est un peu comme si tu étais profondément religieux et que tu te mettais à perdre toute foi en Dieu. Moi, j’ai perdu foi en la musique pendant quelques mois. Elle m’emmerdait. Ce fut une énorme désillusion. »

Houck s’est imaginé sortir un disque avec des voix mais sans parole. Il a appris les rudiments du métier d’électricien…: « Si cet album sonne comme il sonne, il le doit à tout ce temps où je n’ai pas écrit de chansons, mais où je m’amusais avec une vieille console de mixage et un enregistreur à bandes. Ils étaient dans un tel état que j’ai pas mal chipoté. Sans trop savoir ce que je faisais. Internet est précieux dans ce genre de situation. Tu as juste à suivre les diagrammes. Ce ne serait pas une bonne idée que je refasse l’électricité chez toi mais ça m’a permis d’avancer.  »

Coup de tête

Muchacho doit beaucoup au Mexique où Houck est parti sur un coup de tête se ressourcer après s’être séparé de sa dulcinée et s’être fait gentiment dégager par le propriétaire de son studio. « Pour une raison ou l’autre, ma vie était devenue un chantier. J’ai cherché un ticket d’avion en ligne à 3 heures du matin. Et j’ai trouvé un vol pas cher qui partait deux heures plus tard. Je l’ai acheté et j’ai filé à l’aéroport. J’avais besoin de recul par rapport à ma propre existence, de la mettre un peu en perspective. Il y avait trop d’émotion dans ce que je vivais et il fallait que je m’isole. Que je m’isole en quelque sorte de moi-même aussi. Et que j’essaie de terminer ces chansons. »

Le New-Yorkais d’adoption a alors atterri avec sa guitare sur la plage de Tulum dans la péninsule du Yucatan. « Ce petit endroit n’était pas raccordé à l’eau et à l’électricité. Du moins pas tout le temps. Il y avait du courant entre 9 heures du matin et 7 heures du soir. Et puis, plus rien jusqu’au lendemain. C’était un retour aux besoins essentiels. »

Houck avait des idées mais ne savait pas lesquelles déboucheraient sur des chansons. Muchacho’s Tune a défini le cadre du disque. « J’étais dans le noir et tout à coup elle a allumé la lumière. Ça a toujours fonctionné comme ça. Cocaine Lights, par exemple, avait joué ce rôle d’interrupteur pour l’album Pride. »

Ride On/Right On constitue sans doute le morceau le plus pop et entraînant que Houck ait jamais écrit. « Ce ne sont pas des chansons faciles mais je voulais qu’elles tombent aisément dans l’oreille. Je me sens mieux avec l’idée d’être direct. Ce n’est pas une production évidente non plus. Mais elle est moins obscure. » Plus moderne aussi. « Aujourd’hui il y a une séparation entre la musique basée sur le texte et celle centrée sur le son. Une espèce de schisme qui a pu paraître confondant dans le cas de Phosphorescent. Quand tu es un songwriter sérieux, les gens s’attendent à ce que ta voix vienne juste se poser sur une guitare acoustique et peut-être un autre instrument un peu rustique. Et si tu joues avec des sonorités électroniques, à ce que tu ne racontes pratiquement rien du tout. C’est ridicule.  »

Sentiment étrange, Matthew va désormais se mettre à tourner avec ses chansons tristes, alors que tout va mieux dans sa vie. « C’est pas grave. Les gens semblent juste convaincus que je suis un mec super déprimé. »

LE 9/5 AUX NUITS BOTANIQUE.

RENCONTRE JULIEN BROQUET

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