Guy Verstraeten
Guy Verstraeten Journaliste télé

SI ELLE MANQUE UN PEU D’ÉVIDENCE ROMANESQUE, LA SÉRIE RÉALISÉE ENTIÈREMENT PAR STEVEN SODERBERGH COMPENSE AVEC BIEN D’AUTRES QUALITÉS. UNE RÉUSSITE PARTIELLE.

The Knick (saison 2)

UNE SÉRIE CINEMAX CRÉÉE PAR JACK AMIEL ET MICHAEL BEGLER. AVEC CLIVE OWEN, ANDRÉ HOLLAND, JULIET RYLANCE. DIST: WARNER.

7

Le fait est plutôt singulier dans le modèle souvent très tayloriste de la série américaine: Steven « Sexe, Mensonges et vidéo » Soderbergh, golden boy émérite d’Hollywood à la fin des années 80, assure la réalisation et le montage des deux saisons disponibles à ce jour de The Knick. Un projet qu’il porte donc à bout de bras, et qui s’inscrit dans la soif d’expérimentations caractérisant désormais le réalisateur de Traffic et d’Ocean’s Eleven, y compris en télé: le dernier exemple en date, la fascinante série The Girlfriend Experience tirée de son film (quasi) éponyme de 2009, est là pour le prouver.

Avec The Knick, le metteur en scène lançait en août 2014 une série aux ingrédients éprouvés. Une intrigue d’époque, placée dans un hôpital, avec un héros charismatique et perclus d’addictions. Mixés, lesdits ingrédients forment une fiction un brin hybride, mais sobre dans l’approche. On est au tout début du XXe siècle, à New York, dans l’un des hôpitaux les plus courus de la ville, le Knickerbocker. La vie de l’établissement nous est dépeinte sous toutes ses coutures, principalement à travers les yeux de son plus talentueux chirurgien, le Dr John Thackery. C’est le Britannique Clive Owen, l’un des acteurs les plus intéressants de sa génération, qui prête sa grande carcasse à ce personnage de médecin en avance sur son temps, aussi intuitif avec un bistouri qu’il est fébrile devant une dose de cocaïne. C’était l’un des enjeux narratifs majeurs d’une première saison qui, entre autres intrigues secondaires, accompagnait l’arrivée dans l’hôpital d’un brillant chirurgien noir, le docteur Algernon Edwards, que les convenances racistes de l’époque empêchaient d’accéder aux égards et à la reconnaissance.

Addictions

Au démarrage de cette deuxième saison, le Dr Thackery est traité dans une clinique spécialisée dans les addictions. Le Dr Edwards, devenu chirurgien en chef pendant cet intermède, a enfin été adoubé au Knick, malgré les réticences. Mais rapidement, Thackery revient à l’hôpital, bien décidé à se lancer dans un nouvel objet d’étude: découvrir les causes de l’addiction chez ses patients, en ce compris lui-même. Et c’est l’un des attraits principaux de cette série: si l’on peut lui reprocher d’être un peu graphique dans ses interventions chirurgicales (estomacs délicats, s’abstenir: incisions sanguinolentes régulières), on plonge de manière assez captivante dans la médecine du début du siècle dernier, dans ses intuitions, ses progressions. Accompagnée scientifiquement par le Dr Stanley Burns, à la tête d’une collection regroupant d’innombrables archives d’interventions chirurgicales d’époque, The Knick ne manque pas de légitimité dans le créneau. Ce qui lui manque peut-être, ce sont des personnages et des intrigues secondaires un peu plus chatoyants, la série les développant avec un sérieux et une âpreté qui confinent par moments à l’ennui. Une série costaude en somme, mais à laquelle il faut donner du temps et de l’attention.

GUY VERSTRAETEN

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