HIROKAZU KORE-EDA, LE RÉALISATEUR DE STILL WALKING, EXPLORE LE LIEN DE PATERNITÉ AVEC UNE ACUITÉ RARE, MAIS AUSSI UNE GRÂCE N’APPARTENANT QU’À LUI. UN GRAND FILM.

Tel père, tel fils

DE HIROKAZU KORE-EDA. AVEC FUKUYAMA MASAHARU, ONO MACHIKO, MAKI YOKO. 2 H 01. DIST: LUMIÈRE.

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« A quel moment un père devient-il vraiment un père? » Cette question, Hirokazu Kore-eda raconte comment elle n’a cessé de le tirailler depuis la naissance de sa fille, il y a six ans de cela. A défaut de réponse définitive, elle lui a inspiré Like Father, Like Son, petite merveille explorant le lien de paternité avec une grâce et une délicatesse n’appartenant qu’au réalisateur de Still Walking. On trouve, au coeur du film, l’apparence d’une famille idéale, à savoir Ryota, le père, un architecte se consacrant tant et plus à sa profession, Minori, sa discrète épouse, et Keita, leur gamin de six ans que son paternel aimerait modeler à son image. Leur bonheur va toutefois voler en éclats lorsqu’un appel de la maternité leur apprend qu’il y a eu, à l’époque, inversion de nourrissons, Ryusei, leur enfant biologique, ayant incidemment grandi dans un environnement plus modeste que le leur. Et de leur suggérer d’envisager un nouvel échange, solution adoptée, paraît-il, par la quasi-totalité de ceux ayant jamais vécu une telle situation, une première rencontre entre les familles étant organisée dans la foulée…

Finesse du trait

De Toto le héros à La vie est un long fleuve tranquille, le cinéma ne manque pas d’exemples de fictions s’étant nourries de semblables substitutions. Kore-eda embrasse le sujet avec sa sensibilité toute personnelle, poursuivant dans Tel père, tel fils son exploration de la cellule familiale japonaise. Partant, le cinéaste interroge la paternité avec une acuité rare, confrontant subtilement lien du sang et lien du temps, et brassant des questions sensibles à mesure qu’il déstabilise son protagoniste central.

Comme toujours chez le réalisateur nippon, le résultat se révèle tout simplement ensorcelant, le film dévidant sa toile en un mouvement d’une souveraine fluidité, bercée de cette mélancolie à laquelle les ponctuations musicales apportent un appoint discret. S’il inscrit son propos dans la réalité historique et la culture japonaises, tout en s’affirmant, une nouvelle fois, comme le digne héritier des Ozu et autre Naruse, le cinéaste réussit aussi à faire oeuvre universelle. On se laisse littéralement happer par cette histoire d’une justesse propre à dispenser une profonde émotion à mesure que se dévoile sa richesse, nichée jusque dans les instants en apparence les plus anodins. Le film supporte, du reste, allègrement de multiples visions, la finesse du trait ayant pour pendant le sentiment de vérité émanant de ses protagonistes -ainsi, en particulier, des enfants qui, comme dans Nobody Knows ou I Wish, évoluent devant la caméra de Kore-eda avec un naturel confondant. Prix du jury lors du dernier festival de Cannes, voilà un pur joyau, un chef-d’oeuvre à voir absolument.

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

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