Héros malgré eux

CLINT EASTWOOD, AVEC CHESLEY « SULLY » SULLENBERGER, ET OLIVER STONE, AVEC EDWARD SNOWDEN, SALUENT, CHACUN À SA MANIÈRE, DES HÉROS AMÉRICAINS.

Sully

DE CLINT EASTWOOD. AVEC TOM HANKS, AARON ECKHARDT, LAURA LINNEY. 1H35. DIST: WARNER.

8

Snowden

D’OLIVER STONE. AVEC JOSEPH GORDON-LEVITT, SHAILENE WOODLEY, RHYS IFANS. 2H14. DIST: BELGA.

7

Le biopic est l’une des grandes tendances du cinéma contemporain, les exemples de films retraçant le destin de personnalités réelles, « bigger than life » ou non d’ailleurs, n’en finissant plus de se multiplier. Après Edgar Hoover, le directeur historique du FBI, dans J. Edgar et le tireur d’élite Chris Kyle dans American Sniper, Clint Eastwood signe ainsi un nouveau film biographique avec Sully, d’après le surnom du commandant Chesley « Sully » Sullenberger. Ce dernier devait, le 15 janvier 2009, tenter l’impossible: poser sur les eaux de la Hudson River l’Airbus A320 de la US Airways qui venait de décoller de New York à destination de Charlotte avec 155 personnes à son bord, l’avion ayant été irrémédiablement endommagé par un vol de bernaches du Canada. Et de réussir à sauver l’ensemble des passagers, exploit salué comme il se doit par l’opinion américaine.

Cette histoire, Eastwood l’aborde sous un angle singulier, mêlant la sobre et minutieuse reconstitution des faits à l’enquête qui allait immédiatement leur succéder, « Sully » (Tom Hanks, magistral) devant répondre du bien-fondé d’une décision arrêtée dans l’urgence et à l’instinct nourri d’expérience, face à une commission semblant convaincue du contraire. Un arc dramatique fort, pour un film inspiré qui voit le réalisateur, en plus de saluer l’héroïsme « ordinaire », revenir à l’un de ses thèmes de prédilection, celui de l’individu face au système. Et livrer un classique américain au brio discret, un grand film, assorti en bonus d’un portrait (hagiographique) du commandant Sullenberger, d’un making of, et de la reconstitution des faits par les protagonistes.

Des biopics, Oliver Stone en a réalisés quelques-uns, et non des moindres, Snowden venant s’ajouter aux JFK et autre Nixon qui ont fait sa réputation. Le réalisateur de Salvador y retrace l’histoire d’Edward Snowden, employé des services de renseignements américains qui devait sacrifier sa carrière pour révéler au monde, en juin 2013, l’ampleur de la cyber-surveillance mise en place par les États-Unis et la Grande-Bretagne au mépris des lois comme de l’éthique. Un tel sujet ne pouvait qu’inspirer Stone, un cinéaste n’ayant jamais cessé de questionner l’Amérique, son histoire et ses engagements. Et s’il ne cherche pas à masquer son empathie pour Snowden (mimétique Joseph Gordon-Lewitt), dont il veille à humaniser le profil, le film que lui inspire le lanceur d’alerte, toujours exilé à Moscou, s’avère passionnant de bout en bout. Stone sait y faire, en effet, posant clairement les enjeux dramatiques de l’affaire, qu’il articule à la façon d’un thriller efficace, à l’abri toutefois de la surchauffe guettant parfois son cinéma. Un film solide, que prolonge l’interview du réalisateur.

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

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