FILS SPIRITUELS DE CLINIC, LES MONTRÉALAIS DE SUUNS DISSÈQUENT UN DEUX-IÈME ALBUM, IMAGES DU FUTUR, AU GROOVE CHIRURGICAL ET À L’AMBIANCE SUFFOCANTE. SOINS INTENSIFS.

Un petit salon. Le sous-sol du très design Hotel Bloom. A deux pas du Botanique. C’est en français que le Canadien Ben Shemie, anglophone de Montréal, nous accueille pour parler du deuxième album de Suuns. « J’essaie de m’améliorer. Notamment avec des bouquins. Je viens de terminer Un Roman français de Frédéric Beigbeder. Avant, j’ai enchaîné deux Françoise Sagan. On lit tous énormément. Je peux vous conseiller une jeune Québécoise, Catherine Leroux. Son premier roman, La Marche en forêt, a fait pas mal de vagues chez nous. »

Parenthèse littéraire refermée, Suuns a intitulé son deuxième album Images du futur. Le nom d’une exposition qui a eu lieu tous les étés entre 86 et 96 à Montréal. « L’événement, assez familial, traitait des nouvelles technologies. Des nouveaux médias. La 3D, le touch screen… Des trucs très primitifs quand on y pense aujourd’hui. Ça marche avec ce qu’on fait, avec notre son.  »

Sombre et viscéral, Suuns est une mécanique rock avec des grains de sables électroniques et expérimentaux qui se glissent dans la machine. Ben, qui a vécu à Berlin, s’est intéressé tardivement à l’électro. « Aphex Twin m’a servi de porte d’entrée. L’Intelligent Dance Music a été très importante pour moi. J’aime beaucoup Andy Stott, Tim Hecker… Des trucs avec du rythme mais qui ne sont pas conçus pour danser. »

Si Suuns fait penser à quelqu’un, c’est avant tout à Clinic. Groupe liverpuldien hautement recommandable, à la voix étranglée, et qu’il a invité début décembre à Courtrai, au festival Sonic City dont il était le curateur. « C’est l’un de mes groupes préférés. Nous partageons une même esthétique. Un côté minimal aussi. Peu de choses se passent mais c’est intéressant. Ça crée une atmosphère intense. Un côté psychédélique froid. Clinique justement. Genre, anti-bactérien. Mais la comparaison tient surtout sur les voix. »

Et des voix il y en a de plus en plus chez Suuns dont le premier album s’était révélé très instrumental. « L’idée était de continuer ce qu’on avait commencé. De s’immerger davantage encore dans l’esthétique qu’on s’était créée. Avec plus de soucis du détail. Plus de temps. Plus d’expérience. Plus d’identité en tant que groupe aussi. »

Moins punk et sauvage

Invité à citer des deuxièmes albums qu’il n’aime pas de groupes dont il avait adoré le premier, Ben Shemie botte en touche: « Pour certains, ce sera une régression. Ce disque est moins punk. Moins sauvage. Mais il s’agit à mes yeux d’un développement mature. Il y a sans doute des mecs qui vont dire: « Oui, j’aime bien. Mais au début, c’était vraiment quelque chose. Quand je les ai vus à la Rotonde. Maintenant, ils ont changé.« C’est normal. Je comprends. En même temps faut progresser. Avancer. Ou du moins bouger.  »

Comme pour Zeroes QC, les Suuns ont bossé sur Images du futur avec leur ami Jace Lasek des Besnard Lakes. « Il est très patient. Je ne sais pas s’il faut l’être pour travailler avec nous. Je pense qu’on est un groupe plutôt sympathique. Nous n’avons pas d’ego démesuré, nous ne sommes pas des drogués. Mais il faut être patient en studio. C’est un projet créatif, avec des opinions qui divergent et cinq avis très pointus. Jace reste zen tout le temps, c’est notre peacemaker. »

Une bonne chose quand on sait qu’Images du futur a été enregistré à Montréal pendant les manifestations estudiantines. « Elles ne sont pas dans notre musique. On n’est pas un band politique. On n’a pas de message de ce genre. Mais tout s’est passé pendant qu’on répétait et enregistrait l’album. Ce fut un moment très spécial pour Québec. Tout le monde parlait de ces manifs en studio comme en dehors. C’est bon pour la démocratie. »

Si Suuns dit écouter beaucoup de Kraftwerk, de Vangelis, il a aussi tourné avec les Black Angels. Leur côté très pur, psychédélique à la Doors, l’a influencé. « Nous ne voulions pas d’un disque de chambre. Nous cherchions un vrai son de guitare, comme sur les albums de mon enfance. Des classiques des années 70 comme Led Zep ou même les Beatles. Des disques très détaillés, très analogiques, avec un son chaleureux. »

Des Beatles, Ben en est un inconditionnel: « Ils ont le meilleur catalogue de musique de tous les temps. Je réécoute souvent. Trop peut-être. C’est le dictionnaire, l’encyclopédie de la musique populaire. On est vraiment dans les années 60-70 pour l’instant. C’est dommage. Le dernier grand mouvement musical qui a tout bouleversé, c’est la musique électronique. Un courant basé sur la technologie. Mais bon, quelqu’un finira par inventer quelque chose qui créera un nouveau genre. Toutes les générations dans l’histoire de l’humanité se sont dit qu’on était à la fin. Qu’il n’y avait plus rien à dire et plus rien à faire. »

LE 10/5 AU GRAND MIX (TOURCOING) ET LE 11/5 AU CIRQUE ROYAL (NUITS BOTANIQUE).

RENCONTRE JULIEN BROQUET

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