Beugleur noisy, Rollins fait aussi une formidable carrière de stand-up. Il sera bientôt en porte-parole nitroglycérine de lui-même à l’AB. Portrait d’un tatoué des mots qui revisite la société américaine via sa propre enfance secouée.

Il n’est ni grand, ni vraiment large. Juste athlétique et tatoué. La seconde pensée, qui enraie la première, c’est le regard: flambeur, profond comme une crevasse de spleen, noir persistant. De ses deux pupilles-toupies, Henry Rollins, même muet, raconte déjà beaucoup… On croise Rollins dans les années 90: il n’a pas encore de cheveux gris et transporte toujours sa rage viscérale dans la conversation. Qu’elle soit courante ou plus chorégraphiée, en scène. Les premières histoires que Rollins écrit, tout gosse, tournent autour de la volonté de  » faire sauter son école (primaire) et de tuer tous les profs ». Possible résultante psy d’un père militaire qui l’éduque à coups de poings et d’une mère qui le prend sous son aile protectrice. Henry Lawrence Garfield, né le 13 février 1961, grandit à Washington DC. Très vite, il morfle en direct brutal. Dans l’un de ses sketches, il raconte comment il fait connaissance avec la violence ordinaire de Mère Amérique. Il doit avoir 8 ans.  » Il y a un gamin, noir, qui est venu vers moi et comme ça, sans prévenir, m’a mis un pain dans la gueule, juste pour me prendre mon déjeuner. Cela fait très mal. Je n’ai pas compris et puis j’ai chialé. Le soir, j’ai expliqué ça à ma mère qui m’a dit de toujours répondre avec… le sourire ». Le sourire restera en coulisses, mais la testostérone, non. Initialement, Rollins abandonne son job chez le glacier Häagen-Dazs (…) et se fait connaître, entre 1981 et 1986, au sein de Black Flag. Un groupe carnivore, dans lequel son rôle de chanteur se double fréquemment de celui de puncheur (Mots-clés YouTube: henry rollins beats fan).

Entretemps, au milieu des années 80, Rollins commence à se produire en stand-up. Sa grande gueule naturelle trouve dans l’exercice verbal une évacuation idéale à sa frustration endémique. Le succès vient vite et, peu à peu, l’exercice de causeur double celui de chanteur: depuis 1985, Rollins a sorti pas moins de 23 CD de spoken-word et 10 DVD du même tonneau. Dans un style énergétique croisant Iggy Pop et Lenny Bruce: il enfile le jogging musculaire du premier et le ton sarcastique du second. Bruce (1925-1966), mort par overdose accidentelle de morphine, est l’inventeur du stand-up, chronique sociétale qu’il transforme en revue hardcore de la société américaine. C’est peu dire que son cynisme explosif dérange le triomphalisme factice des années 50/60. Rollins est d’une autre époque, mais recroise quelques thèmes de prédilection de Bruce: racisme, bigoterie, patriotisme. Il en explore des masses d’autres, comme ces parodies hilarantes d’Iron Maiden ou du… Ku Klux Klan. L’un de ses meilleurs moments est quand il imagine le KCST (Klan Chaos Substitution Team) où un Klan bis, gay et coloré, s’introduirait dans la mâle parade new-yorkaise des vrais fachos. C’est grandiose et ridicule (Mots-clés YouTube: henry rollins klux). Rollins croit en la parole idéologique: il a raison. Au moment où le rock et le rap semblent à court de sens, plus intéressés par le look et le marketing que par les idées, le verbe d’Henry sonne vraiment comme un ami qui vous veut du bien!

AN Evening Of Spoken Word With Henry Rollins le 25/01 à l’ Ancienne Belgique, www.abconcerts.be, sans sous-titres… et le 24/01 au NTGent Schouwburg à Gand, www.democrazy.be

Un CD à écouter: Big Ugly Mouth.

Texte Philippe Cornet

« Au début des années 90, mon cynisme a atteint des hauteurs inimaginables. C’était de l’auto-préservation. »

« De quel côté de la selle Lance Armstrong met-il sa paire de couilles dans la descente? »

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