PERSONNAGE CENTRAL DE LA FRENCH TOUCH, ÉTIENNE DE CRÉCY PASSERA PAR COULEUR CAFÉ. DANS SES BAGAGES, UN SUPER DISCOUNT 3, NOUVELLE COLLECTION PRÊT-À-DANSER, DÉCOMPLEXÉE ET PINCE-SANS-RIRE.

Il n’aurait pas pu s’en empêcher. Après Super Discount, album fondateur de la French Touch sorti en 1996 (un an avant le Homework de Daft Punk), puis Super Discount 2 en 2004, Etienne de Crécy s’est enfin décidé à lâcher un Super Discount 3. A la pochette fluo jaune, puis rose, succède aujourd’hui la verte pétante. Onze ans après le deuxième épisode, la musique a forcément évolué. Près de 20 ans après le premier, elle a même eu le temps de faire un aller-retour: « Je me suis mis à refaire des trucs plus house. En tant que DJ, c’est ce que j’aime jouer pour l’instant: toute cette jeune génération, qui s’inspire de ce que l’on faisait dans les années 90 -la scène G-house, les Amine Edge & DANCE, Bonar Bradberry… » Peu importe le flacon, l’ivresse, elle, n’a pas changé. A 46 ans, le producteur parisien a beau privilégier dans ses temps libres les bouquins d’économie aux oeuvres romanesques –« A un moment, c’est indispensable pour comprendre les choses; puis quand vous appelez vos disques Super Discount, ou Commercial EP, vous êtes bien obligé d’admettre que la matière vous intéresse peut-être un peu (rires) »-, il continue de cultiver une décontraction réjouissante.

Pour le premier Super Discount, les titres tournaient autour des soldes (Prix Choc…). Pour le deuxième, vous poussiez l’ironie jusqu’à intituler chaque morceau par le nom d’un logiciel de téléchargement. Quelle est la logique pour ceux de ce troisième épisode: Smile, Sunset, Love…?

Elle est un peu moins évidente au premier coup d’oeil. En fait, j’ai picoré dans le top 100 des « hashtag » les plus populaires sur Instagram!

Ce n’est pas qu’un clin d’oeil à l’époque, non? Quand on a démarré comme vous la musique dans les années 90, comment apprécie-t-on la situation actuelle?

Le gros avantage est qu’on fait ce qu’on veut. Il n’y a plus vraiment de règles. Avant, quand on vendait encore des disques, les circuits marketing et les réseaux de distribution étaient clairs: il y avait des labels, des disquaires… Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. La manière dont vous sortez un album est devenue cruciale: en téléchargement libre, sur soundcloud, uniquement sur Amazon… Le « tuyau » est aussi important que tout le plan marketing… Musicalement, c’est super intéressant. Financièrement, moins (rires). L’avantage de la musique électronique, c’est qu’on a les DJ sets.

Ou l’appui des marques?

Oui, même si cela m’embête toujours un peu. Cela dit, je vois que les jeunes musiciens n’ont absolument aucun problème avec ça. Ils bossent avec Red Bull ou Heineken, comme vous bossiez avant avec Virgin ou Universal. Personnellement, j’ai encore du mal à l’intégrer -même si je fais des partenariats, pour les concerts notamment… En fait, ma crainte est de me retrouver à faire de la communication de marque pour pas grand-chose. C’est comme le mec qui reçoit une paire de Nike et balance dans la minute une photo de ses pompes sur Instagram: « Attends un peu! Prends un gros chèque d’abord! » Nous, musiciens, on est générateurs de cool, de bonnes vibrations. Ce n’est pas rien. Pour moi en tout cas, l’émotion musicale est tellement importante que pour qu’une marque puisse y être associée, il faut qu’elle allonge (rires).

Vous avez posté sur YouTube une série de tutoriels qui expliquent par exemple « Comment enregistrer des cordes avec un seul doigt« . Vous dites aussi que vous composez de la musique vite fait, mal fait. C’est de l’humour auto-flagellatoire?

Pas tout à fait. En réalité, il y a beaucoup de DJ’s ou de producteurs qui ont cette espèce de complexe de ne pas être musicien, et qui se sentent toujours obligés de se justifier. Moi, pas. C’est même l’inverse. La musique électronique est extrêmement facile à faire. Là, je vous donne un ordi, vous allez pouvoir sortir un morceau qui est écoutable, en une demi-heure.

Pourquoi dans ce cas ne sortir un album que tous les dix ans?

En fait, je fais beaucoup de remix, de maxis (l’ovni New Wave, par exemple, sorti il y a quinze jours, ndlr). Il y a deux ans, j’ai sorti une compilation de tous ces remix (My Contribution To The Global Warming, ndlr). Elle comptait quand même six CD, qui couvraient les quinze dernières années. En vrai, je produis donc beaucoup, mais pas obligatoirement des longs formats. Au départ, je fais quand même de la techno, qui n’est pas une musique d’album. C’est une musique qui doit être jouée en club. La techno « intelligente », à écouter dans votre salon, cela ne m’intéresse pas trop en fait. Moi, je veux faire de la techno sale qui se joue sur des grosses enceintes, dans des endroits où les gens boivent des coups.

Quelle est alors l’ambition en sortant un album?

En tout cas, elle n’a jamais été de sortir absolument un chef-d’oeuvre. J’ai peut-être eu ce fantasme avec Tempovision (sorti en 2000, ndlr). Et au bout du compte, c’est l’album que j’aime le moins. J’entends trop le labeur, le gars qui rame. Je préfère faire les morceaux rapidement… Ce n’est pas du je-m’en-foutisme. C’est plus de la désinvolture, de la nonchalance. Quand je fais de la musique, j’essaie que ce soit bien. Mais par contre, je ne veux pas me prendre la tête. Si c’est le cas, je passe à autre chose. Cela doit rester facile. Je ne suis pas d’accord de suer sur un truc. Quand vous prenez trop de temps, vous vous noyez, vous perdez de la spontanéité. Je crois que c’est le pire. Cela dit, c’est une sorte de travail, que d’arriver à rester « innocent », de réussir à ne pas travailler…

Est-il possible de garder cette « fraîcheur » après autant de temps dans le circuit?

C’est le plus compliqué. Pour cette musique en particulier, toute l’expérience accumulée devient un handicap. Au début, quand on a fait Motorbass (son autre groupe avec Philippe Zdar, ndlr) et Super Discount, on prenait un sample de jazz, on mettait un kick dessus et une snare, et c’était génial! Personne d’autre ne l’avait fait! Le truc était magique. Aujourd’hui, pour retrouver cette innocence, c’est plus difficile. Il faut imaginer des combines, comme changer souvent de matériel, par exemple.

ÉTIENNE DE CRÉCY, SUPER DISCOUNT 3, DISTRIBUÉ PAR SONY.

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EN LIVE LE 04/07, À COULEUR CAFÉ, BRUXELLES. ÉTIENNE DE CRÉCY SERA ÉGALEMENT EN DJ SET, CE 27/06, AU CADRAN, À LIÈGE.

RENCONTRE Laurent Hoebrechts

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